LE BREXIT

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Le Brexit est venu changer les règles du mercato pour les clubs anglais, qui ne peuvent plus attirer aussi librement des joueurs étrangers. Depuis le 1er janvier, il faut un permis de travail pour aller jouer en Premier League ou en Championship. Et tous les joueurs ne peuvent l’obtenir. De quoi bouleverser la planète mercato ?

“J’ai trouvé trois joueurs, ils pouvaient venir mais n’étaient pas autorisés”. Début janvier, Sam Allardyce, l’entraîneur de West Bromwich Albion, a résumé en une sortie le nouveau dilemme des clubs anglais sur le marché des transferts. Le Brexit est passé par là. Et depuis le 1er janvier, la puissante Premier League doit désormais jongler avec quelques freins supplémentaires sur la planète mercato.

Ce n’est pas forcément un séisme mais il risque quand même d’y avoir quelques répercussions, loin d’être anodines pour le football français. “Entre la pandémie liée au Covid-19 et l’affaire Mediapro, c’est un coup dur en plus. C’est le dernier coup de hache”, estime même à ce propos Laurent Schmitt, agent de joueurs et fin connaisseur du marché.

UN PERMIS DE TRAVAIL ATTRIBUÉ SELON CERTAINS CRITÈRES

Depuis le début de cette année 2021, les nations européennes sont à nouveau logées à la même enseigne que les autres pays du monde. Et les footballeurs issus de leurs frontières doivent obtenir un permis de travail, le Governing Body Endorsement (GBE), pour avoir droit d’évoluer en Premier League ou en Championship. Ce sésame obligatoire s’obtient à certaines conditions et après avoir cumulé suffisamment de points, calculés en fonction de plusieurs critères :

Le nombre de sélections en équipe nationale et dans les catégories de jeunes

Le nombre de matches joués et de minutes disputées en championnat et en Coupe d’Europe

Ou encore le pedigree du club où il évolue (niveau de son championnat, classement, parcours en compétition européenne).

Un international qui a disputé 70% des matches d’une sélection présente dans le Top 50 du classement FIFA sur les 24 derniers mois est par exemple directement éligible à ce permis de travail, le pourcentage de matches disputés exigé étant moins élevé pour des nations mieux classées par la FIFA (ndlr : pour une nation dans le Top 10, un joueur n’a besoin d’avoir joué que 30% des rencontres de sa sélection). Autre exemple : jouer dans les championnats de première catégorie (ndlr : Bundesliga, Liga, Serie A et L1) et en Ligue des champions apporte presque la garantie de compter les 15 points nécessaires pour ce précieux ticket d’entrée.

Dernier détail qui n’en est pas un : en prenant ses distances avec l’Union Européenne, la Premier League sort de l’exception européenne pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans et se retrouve sous le coup de l’article 19.1 du règlement de la FIFA : “Le transfert international d’un joueur n’est autorisé que si le joueur est âgé d’au moins 18 ans”. En clair, les clubs anglais ne peuvent plus attirer des talents mineurs venant de France ou d’ailleurs sur le Vieux Continent, comme ce fut le cas ces dernières années avec Hector Bellerin (Arsenal à 16 ans), Eric Garcia (Manchester City à 17 ans) et Sepp van den Berg (Liverpool à 17 ans).

PAS DE RÉVOLUTION POUR LES JOUEURS MAJEURS

Alors qu’est-ce que cela change vraiment ? Et notamment en France où les clubs sont particulièrement vigilants à cette évolution ? Si les Anglais espèrent que cela va aider les jeunes joueurs britanniques à se faire une place au soleil, il y a forcément des motifs d’inquiétudes pour les pensionnaires de L1 ou de L2 tant les représentants du Royaume ont pris l’habitude d’injecter une manne financière conséquente dans l’Hexagone à chaque marché des transferts. Un pactole devenu même crucial pour équilibrer certains bilans financiers.

Pour les joueurs de premier plan, il n’y a pas de révolution. Désireuse de ne pas se tirer une balle dans le pied, la Premier League a logiquement fait en sorte de pouvoir continuer d’attirer les meilleurs éléments aptes à rendre son championnat attrayant pour les annonceurs. Aucun frein ne viendra par exemple empêcher un transfert de Kylian Mbappé vers Liverpool. Ou d’Eduardo Camavinga vers la PL. Surtout qu’il existe des exceptions.

Si joueur n’atteint pas les 15 points mais en compte au moins 10, il peut ainsi se voir attribuer une dérogation par une commission. “Les Anglais sont très pragmatiques et très forts pour ça, ils verront après le mercato cet hiver ce qu’il faudra ajuster, annonce même à l’AFP Romain Poirot, ex-recruteur à Manchester United. Leur but c’est d’asseoir la domination de la Premier League, le championnat majeur mondial”. Cependant, la planète mercato va forcément être bouleversée avec cette nouvelle donne.

LE TRANSFERT D’UN JOUEUR COMME NEAL MAUPAY SERAIT IMPOSSIBLE

Le nombre de transferts de joueurs étrangers en Premier League va ainsi forcément diminuer. Et c’est notamment le cas pour les clubs moins en vue, des deux côtés de la Manche. Le transfert de N’Golo Kanté, qui, en 2015, évoluait à Caen et n’était pas international, n’aurait par exemple sûrement pas été possible. Tout comme celui de Laurent Koscielny en 2010. Celui de Bryan Mbeumo (recruté par Brentford en 2019 en provenance de Troyes) n’aurait lui clairement pas été envisageable à l’instar de celui de Riyad Mahrez en 2014 (signé par Leicester en provenance du Havre).

“Aujourd’hui le transfert d’un joueur comme Neal Maupay (ndlr : parti à Brentford en 2017 alors qu’il évoluait à Brest la saison d’avant en L2), ce serait impossible alors que c’est un bon joueur, constate encore Laurent Schmitt. Ça peut poser problème pour cette catégorie de joueurs et pour l’économie de clubs qui étaient sur ce schéma-là. Par exemple, le Stade Brestois a vendu Ibrahima Diallo à Southampton pour 15 millions d’euros ce qui a changé l’économie de Brest en 2020-2021. Or maintenant, ça aurait été impossible.” Si la partie visible de l’iceberg avec les transferts majeurs ne devrait donc pas évoluer, des changements de fonds sont bien à prévoir. Et durant cette période atypique avec ce contexte économique si difficile, ce n’est pas très positif pour les clubs français.

Confronté à ces évolutions, le football va devoir s’adapter, comme toujours. Trouver des solutions pour faire avec ces nouvelles contraintes. Les clubs satellites des mastodontes anglais pourraient ainsi peut-être aider pour passer outre certaines limites. Et d’autres championnats pourraient en profiter pour en sortir renforcés. “Je pense que ça va faire le nid de la Bundesliga, prédit déjà Laurent Schmitt, qui connait bien le marché germanique.

Les Allemands sont aussi touchés mais ils vont vite se remettre comme ils ont une meilleure réactivité et une capacité à se relever plus vite. A mon sens, on va voir beaucoup de joueurs migrer vers l’Allemagne.” C’est bien connu, la nature n’aime pas le vide. Le mercato non plus.

 

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