Chronique d’une interminable guerre civile

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Cible d’une des attaques les plus meurtrières en Centrafrique ces derniers mois, Bangassou a replongé dans la terreur des tueries malgré la présence de Casques bleus

Les assaillants “nous lançaient des mains et des pieds découpés”, se remémore Djamil. Cet homme réfugié dans un camp proche de la cathédrale, évoque l’attaque lancée le 13 mai par des centaines d’assaillants contre le quartier musulman de Bangassou, en Centrafrique. La ville d’environ 35 000 habitants est à majorité chrétienne et se situe sur la rivière Mbomou, frontière avec la République démocratique du Congo. Un bilan provisoire de la Croix-Rouge centrafricaine et du Bureau des Affaires humanitaires des Nations unies en Centrafrique (Ocha) a fait état de 108 morts et de 76 blessés. Selon la force de l’ONU (Minusca, 12 500 hommes), les coupables sont des miliciens anti-balaka, se revendiquant défenseurs des chrétiens face aux ex-rebelles séléka, majoritairement musulmans.

Les Casques bleus ont dû reculer
Plusieurs centaines de personnes avaient trouvé refuge dans la mosquée après l’assaut. “La Minusca nous a dit de nous réfugier dans la mosquée, et c’est ce qu’on a fait. Puis les Casques bleus nous ont abandonnés», accusé Djamil. “Devant le nombre d’assaillants, les Casques bleus ont dû reculer”, se souvient une source proche de la Minusca. “Dès le départ des Casques bleus, une vague d’anti-balaka a accouru vers la mosquée en hurlant, brandissant machettes et fusils artisanaux”, a raconté l’évêque de Bangassou, Mgr Juan José Aguirre: “j’ai tenté le dialogue, mais ils ont fini par tirer sur un ami qui voulait me protéger”. “Ils ont vu l’imam sortir. Ils lui ont tiré dessus”, continue l’évêque. “Il est tombé à genoux, blessé à mort. Quand je suis revenu, je l’ai trouvé comme ça, puis l’ai porté pour l’allonger dignement. Les anti-balaka m’ont hurlé dessus pour que je n’y touche pas”. “Ils étaient drogués, alcoolisés, incontrôlables”, se souvient un humanitaire.


Enterrée vivante
Terrorisés par cette nouvelle flambée de violences, les habitants de Bangassou se terrent ou fuient. Seules quelques boutiques du marché central sont désormais ouvertes et les rues sont désertes. Selon Ocha, le nombre de déplacés de Bangassou s’élève à près de 15 000 depuis le 13 mai et les attaques sporadiques continuent. Dimanche encore, “des éléments armés présumés anti-balaka, ont interdit aux humanitaires de mener une mission dans la localité. Par ailleurs, des éléments armés ont enlevé une femme et cinq enfants avant de les tuer en brousse”, a indiqué lundi la force de l’ONU (Minusca). Mercredi, ces mêmes anti-balaka avaient “enlevé deux femmes soignées à l’hôpital. Une des femmes a été abattue sur place tandis que l’autre a été enterrée vivante”, selon la Minusca. “Les gens qui nous ont massacrés sont des inconnus”. Face à cette spirale de violences, les humanitaires redoutent désormais de nouveaux “assauts de grande ampleur” dans la ville, a indiqué l’un d’entre eux sous couvert d’anonymat. Les affrontements entre séléka et anti-balaka ont dégénéré en tueries intercommunautaires de masse plongeant ainsi la Centrafrique dans le chaos. L’intervention militaire française Sangaris, puis le déploiement de Casques bleus ont réduit le niveau des exactions, mais des bandes armées sévissent toujours dans plusieurs régions du pays. “Cette chasse aux musulmans, les pillages de leurs boutiques, de leurs maisons, c’est une vengeance contre la séléka”, selon l’évêque: “Dans la tête des gens, les musulmans de Bangassou sont alliés à l’ex-séléka”. L’identité du groupe d’anti-balaka auteur de l’assaut reste floue. “Les gens qui nous ont massacrés sont des inconnus”, assure Ali, un commerçant déplacé. “Ils viennent de Bakouma, Niakari, Kitika et d’autres localités de la Mbomou”, préfecture de l’est du pays, précise Mgr Aguirre, sans doute attirés par les richesses minières et forestières de la région de Bangassou. Le contrôle de ces ressources (diamant, or, bois,…) provoque régulièrement des affrontements meurtriers entre bandes rivales dont les civils sont les premières victimes. “Ces jeunes sont désœuvrés […] Je les ai rencontrés dès le mois de février, car c’est mon diocèse, pour leur demander de ne pas s’en prendre aux écoles, notamment”, ajoute le prélat. Au sein de l’évêché se trouve un autre camp de déplacés constitué, lui, de chrétiens. Entre les deux, un no man’s land, où sont assoupis quelques Casques bleus “épuisés”, selon la Minusca, qui rappelle que six Casques bleus sont morts dans la région de Bangassou début mai.

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