Déçu par Macky Sall

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“Mr le Président, permettez-moi de vous dire qu’il y a désordre”

Dans cette Lettre ouverte au Président de la République du Sénégal, Macky Sall, reçue à Afrique Connection, Oupa Diossine Loppy, diplômé en sciences politiques à Paris, n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour dire pourquoi le locataire du palais Léopold Sedar Senghor a énormément déçu les Sénégalais.

Voici sa tribune

Monsieur le Président de la République, j’ai l’honneur de m’adresser à vous.

Monsieur le Président, permettez-moi citoyen ordinaire, donc, de m’adresser à vous par ce canal public. J’ai osé vous écrire parce que je suis citoyen et ce qui relève des questions de notre nation ne m’est étranger.

D’emblée, avant l’entame de mon propos, je me suis posé cette question: «L’être humain est-il amnésique ou la soif du pouvoir le rend aveugle et sourd au point de devenir fou ?» On devient fou quand on dit je m’en fous !

Les sénégalais croient dur comme fer que vous vous moquez d’eux depuis un certain temps. Oui, Monsieur le Président de la République, souffrez que je vous dise que depuis votre investiture, vous vous éloignez de plus en plus des préoccupations des populations.

Quand un Président n’écoute plus le pouls de son peuple, il s’éloigne de plus en plus de celui-ci et l’un comme l’autre se méfie mutuellement. Donc, il y a péril en la demeure.

L’être humain est-il fou naturellement ? Je suis tenté de répondre par l’affirmatif, car quand le rétroviseur lui rend les images du passé pour éviter de commettre les mêmes erreurs que les prédécesseurs, il bombe la poitrine et dit que cela n’arrive qu’aux autres. Il se croit béni de Dieu, il est dans la vérité et les autres sont dans le mensonge. L’enfer serait les autres comme aurait dit l’autre.

C’est là que le remède de Montesquieu (auteur de L’esprit des lois) est plus qu’utile pour soigner le corps symbolique du délégataire du pouvoir : Quand un homme a le pouvoir, il a tendance à en abuser et dans la force des choses, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. J’ai cité de mémoire. L’équilibre des pouvoirs est une nécessité dans la vie d’un peuple.

Où en sommes-nous avec le fonctionnement d’une justice indépendante ? L’impression des sénégalais est que la justice fonctionne à deux vitesses, un poids deux mesures.

Vous aviez promis un gouvernement sobre et vertueux, vous aviez promis de supprimer certaines institutions inutiles et budgétivores et jusqu’à présent le peuple médusé attend et vous observe. Votre gouvernement est pléthorique et par le comportement de certains ministres, il est donc très difficile de lui trouver des qualités de vertu. Quand un ministre s’exprime comme un militant d’un parti politique.

Monsieur le Président de la République, permettez-moi de vous dire qu’il y a désordre. Le peuple s’attendait à mieux ! vous avez créé d’autres institutions pour caser vos militants et proches. Le peuple s’attendait à des actes plus nobles: régler les problèmes de l’éducation nationale, offrir un plateau technique digne de notre pays dans les hôpitaux, instaurer la méritocratie dans le choix des hommes, une gestion vertueuse de nos ressources, etc.

Monsieur le Président de la République, vous savez mieux que quiconque que l’histoire politique de notre nation est connue par sa capacité de dialogue pour ne pas dire de négociation sur les paradigmes sociétaux pour transcender des intérêts purement personnels car il n’y a que l’intérêt général qui prime.

Vous le savez bien, Monsieur le Président de la république, Senghor, le chrétien avait été élu plusieurs fois par la majorité musulmane et il avait quitté le pouvoir dans la douceur. Il a laissé le pays dans la paix et la paix n’a pas de prix. C’est l’une de nos richesses. Diouf a transmis le pouvoir à Wade sans effusion de sang. C’est cela le Sénégal.

Wade a tenté d’en faire une monarchie mais à ses dépens, les héritiers de Lat Dior, Aline Sitoé Diatta et autres ont été là pour lui dire «NON !» et défendre l’honneur et la dignité de la nation sénégalaise. Et le peuple, une fois encore, a vaincu la tentative de l’arbitraire et de l’oppression.

Maître Wade, pendant ses manœuvres, avait créé un martyr sans s’en rendre compte. Ce martyr, Monsieur le Président de la République, c’est vous-même en personne. Il créa donc ce martyr et le peuple décida que celui-ci lui succédât parce qu’il n’avait pas élu un monarque mais un serviteur. C’est pourquoi le peuple se fâcha du sort que l’on vous faisait subir parce qu’il a horreur de l’injustice.

Monsieur le Président de la République, même si votre élection est une victoire du peuple et non la vôtre, celui-ci avait placé de gros espoirs en vous: vous êtes arrivé jeune au pouvoir, vous avez été victime de l’injustice. Le souverain peuple avait cru que ceci allait vous servir de baromètre. Mais qu’est-ce qui a changé entre temps ? En tout cas, pour être honnête, s’il y a un changement, il est loin d’être positif.

Même le paysan le moins informé de mon village en Casamance ne pouvait pas croire que la transhumance, , allait survivre au régime de Wade. Comme le coffre-fort de ce dernier est en faillite, il est naturel que des politiciens en perte de vitesse cherchent refuge dans la prairie verte; la prairie est verte parce que ce n’est pas vous ni la couleur de votre parti qui les intéressent mais leurs intérêts.

Et vous vous entourez, Monsieur le Président de la République, de flagorneurs qui ne sont mus que par la politique du ventre et du bas ventre. Ils chantent vos hauts faits, ils chantent vos valeureux parents et arriérés-grands-parents. Mais après vous, le sol deviendra sec, ils iront chercher à brouter ailleurs où l’herbe sera encore plus verte et plus touffue.

Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez pas et vous ne devez pas perdre de vue que votre élection est un signal envoyé aux tenants de pouvoirs; c’est une manière de leur signifier qu’ils ne sont que les délégataires car le détenteur légitime du pouvoir c’est le peuple souverain. Ainsi, si ceux-ci ne remplissent pas leurs rôles, le dépositaire du pouvoir, le peuple, est en droit de le reprendre.

C’est dire donc, vous, Monsieur le Président de la république, né après l’indépendance, vous ne pouvez pas et ne devez pas faire moins que vos prédécesseurs. Le Sénégal vous a donné ce qu’il n’a jamais donné à aucun de ses fils: Directeur de PETROSEN, Ministre de l’intérieur, Premier ministre, Président de l’Assemblée nationale et Président de la République. Même Senghor, l’académicien, n’avait jamais bénéficié de ces privilèges. Vous devez rendre l’ascenseur à ce pays qui vous a tout donné en instaurant plus une culture de dialogue, de tolérance et de paix. Vous n’avez pas le droit de le trahir.

“Ce n’est pas éthique de déloger le dictateur Yaya Jammeh et d’avoir un comportement qui frise le mépris du peuple.”

Vous devez donc être plus à l’écoute des populations qui ont faim, des populations qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts à la fin du mois. Elles ne comptent pour l’heure que sur la liberté, fondement de notre patrimoine, à laquelle les autres nations nous envient, pour décorer leur quotidien. Elles ont toléré certains de vos projets qui sont difficilement défendables mais si vous voulez limiter leurs droits et libertés, vous mettez ainsi fin au contrat qui vous lie. Les signaux sont là à moins que vous refusiez de les voir.

Monsieur le Président de la République, ce n’est pas une honte de perdre une élection mais c’est une honte de quitter le pouvoir par la petite porte. Ce n’est pas éthique de déloger le dictateur Yaya Jammeh et d’avoir un comportement qui frise le mépris du peuple. Le mépris du peuple c’est quand on ne l’écoute plus.

Des milliards ont été dépensés pour confectionner des cartes nationales d’identité et d’électeur et jusqu’à aujourd’hui un nombre non négligeable de nos compatriotes attend de récupérer leur document. Malgré leurs revendications, ils n’ont pas été entendus. Et cela n’a pas d’autre nom que la violence.

Il est encore temps, Monsieur le Président de la république, de revenir à nos valeurs cardinales de dialogue sur des sujets majeurs, par exemple, sur le parrainage et remettre les CNI et d’électeur à tous ceux qui ont déposé la demande depuis des mois.

D’autre part, certains qui ont reçu leur pièce ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas sur les listes électorales, ils sont «non inscrits». Ils ne peuvent ni parrainer ni élire. C’est comme si on choisit ceux qui vont choisir. Pas besoin d’avoir un doctorat en Maths pour conclure que la relation est réflexive de ce constat.

Monsieur le Président de la République, l’histoire c’est passé mais elle nous sert de leçons pour mieux agir dans notre quotidien. Personne ne vous croira un jour si vous veniez dire que vous ne saviez pas ce qui se passait dans le pays. Je vous dis que le peuple est mécontent, le peuple est fâché et il ne cesse de le clamer chaque jour que Dieu fait. Ceux qui vous disent le contraire vous mentent. Ceux qui vous acclament pensent à eux et non à vous, ce qui les intéressent, encore une fois, c’est qu’ils continuent à bénéficier des prébendes.

Ceux-là qui prétendent vous défendre, qu’ils le fassent par des arguments convaincants et non par des injures. Qu’ils enlèvent la violence de leur vocabulaire car quand on recourt à l’invective et à la terreur, cela veut dire qu’on est sec. La violence, qu’elle soit physique, morale ou symbolique est une arme des faibles. C’est à vous et à vous seulement, Monsieur le Président de la république, de mettre fin à cette ignominie. Lâchez plutôt des colombes que des faucons ! Inscrivez votre nom dans l’histoire de ce pays qui est la vitrine de démocratie et de libertés en Afrique et même dans le monde.

Monsieur le Président de la République, si je vous écris c’est parce que je sais que vous aimez votre pays comme tout sénégalais et, de ce fait, vous allez le protéger de tous vos moyens et de toutes vos forces. Que vivent la liberté et la démocratie au Sénégal et en Afrique ! Ce sont là les mots d’un petit citoyen adressé à son Président de la république.

Je vous prie de croire à la détermination du peuple pour la sauvegarde de sa souveraineté.

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