Bidonvillisationde Dakar

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La problématique tristement célèbre des inondations récurrentes à Dakar et environs est intimement liée au phénomène de l’exode rural. En effet, la presqu’île du Cap-Vert a subi, au cours des quarante dernières années, un déplacement massif et une sédentarisation de populations provenant de tous les coins de l’intérieur du pays, en raison d’attaches économiques qui se sont constituées et solidifiées.

A pluviométrie normale à excédentaire, la presqu’île du Cap-Vert ne souffrait pas d’inondations, il n’y a guère longtemps, plus précisément, à la période durant laquelle existaient la mare naturelle de Thiaroye dont le lit s’étendait jusqu’aux abords de Mbao, le marécage de la zone des puits (Patte d’Oie, Maristes, Foire, Grand-Yoff, Dalifort jusqu’à l’océan) ainsi que la mangrove des périmètres du technopôle de Dakar qui couvrait une bonne partie de Pikine.

Disparition de la mare naturelle de Thiaroye

Il aura fallu, au cours de ces quarante dernières années, que les zones naturelles de captage des eaux de pluie soient occupées pour de l’habitat social, qu’il suffit de quelques millimètres d’eau pour que Dakar patauge. Même en saison sèche, dans nombre d’endroits sur la presqu’île du Cap- Vert, les eaux stagnantes et l’humidité ornent en permanence le décor de quartiers populeux, à cause des nappes affleurâtes.

C’est dire, en substance, que des raisons économiques furent à la base des déplacements massifs de populations à partir des années de sécheresse des années soixante dix et quatre-vingt, de l’intérieur du pays vers une presqu’île non extensible et dont le relief et le biotope s’accouplent avec l’existence de mangroves qui sont des milieux aquatiques de captage d’eau de pluie et de biodiversité, ces mêmes populations fuyant le calvaire des terres devenues arides du Baol, du Ndiambour, ou, à la limite, de certaines parties du Sine et du Saloum.

L’exode rural : le cancer du Sénégal…

L’exode rural est le cancer du Sénégal au sens où il anéantit la valorisation locale de ses potentialités agricoles et industrielles. Cette migration a induit la formation d’une économie informelle hypertrophiée s’appuyant essentiellement sur le commerce de produits importés ou recyclés ou de petits emplois dans des secteurs à faible valeurs ajoutées (l’armée des marchands ambulants en constitue un exemple frappant).

A ces déséquilibres dans la division du travail, s’ajoutent d’autres déséquilibres au niveau de la répartition spatiale des populations avec comme conséquences, la démultiplication de tensions sociétales résultant de fortes concentrations humaines à Dakar et environs et de ses multiples effets nuisibles, en particulier, la bidonvilisation, la récurrence du phénomène des inondations, le chômage endémique, l’insécurité galopante, les difficultés de transport, le coût exorbitant des loyers, la spéculation foncière, etc.

Le constat amer est que, 80% des activités économiques du Sénégal et 50% de la population sont concentrés dans 0.25% du territoire national ; une telle disproportion dans l’aménagement du territoire et la répartition spatiale de la population constitue un goulot d’étranglement sérieux pour un pays qui se voudrait émergent.

Bien entendu, à problème structurel, solution structurelle qui consiste à prendre le taureau par les cornes en procédant à l’inversion des tendances défavorables par la priorisation du développement des régions intérieures, de manière à faire retrouver les équilibres nécessaires entre l’occupation des sols et la démographie ainsi que la diminution des écarts de développement entre régions.

…peut être combattu avec la création de pôles économiques à l’intérieur du pays

Cependant, il y a lieu de convenir que l’exode rural, qui s’est durablement installé dans la presqu’île du Cap-Vert, ne peut être atténué sensiblement par un coup de baguette magique, loin s’en faut ; il faudrait plusieurs années pour réaliser l’inversion des tendances défavorables en s’attelant, dès maintenant, à la création de pôles économiques dans les régions intérieures afin de constituer des offres valables pour attirer les populations résidentes de Dakar et environs et de sédentariser les autochtones restés sur place dans les terroirs ; les migrations à cause du sous-emploi des populations locales, sont allées jusqu’à dépasser le cadre de nos frontières pour s’internationaliser aggravant le dépeuplement des régions intérieures et faisant de notre diaspora l’une des zones les plus peuplées parmi les diverses régions du Sénégal.

Préservation des espaces viables…

Entre temps, il nous faudra aussi travailler à la restructuration de quartiers afin de préserver certains espaces viables dans les zones humides au moyen de canalisations adéquates et de bassins de rétention pour le captage, le drainage et le stockage des eaux de pluie, au moment où dans d’autres pays, de vastes étendues de terres sont gagnées sur des mers (polders).

Si nous sommes d’accord qu’il s’impose d’organiser des déplacements de populations vers l’intérieur du pays, il ne faudrait surtout pas, pour des questions électoralistes ou de politique politicienne, mettre la charrue avant les bœufs et reprendre les mêmes erreurs du passé (Jaahaye ,pôle urbain de Diamniadio dans la zone agro-écologique des Niayes).

almadies-…pour un développement équilibré

L’inversion de la tendance à l’exode rural est une question fondamentale liée aux options stratégiques du Sénégal pour un développement équilibré et endogène, autocentré et autoentretenu, par la création de pôles économiques régionaux en faisant de l’agriculture et les industries de transformation alimentaires le moteur de la croissance économique.

La hantise des inondations à court terme et la peur de la vindicte populaire ne doivent pas nous faire sortir de l’orientation générale en gardant bien le cap au milieu des tempêtes et de ne pas nous précipiter vers des solutions hâtives à relents populistes et non viables, tel le relogement de presque un demi million de personnes dans des zones à vocation agro-pastorale, forestière, industrielle ou touristique, dans les départements de Rufisque, de Thiès et de Mbour. Le faire, c’est déplacer la problématique des inondations de Dakar vers d’autres endroits qui, non seulement ne répondent pas aux conditions préalables requises pour l’installation de colonies de peuplement, les mêmes que Dakar connaît actuellement avec l’exode rural, mais détruit la vocation naturelle de ces terroirs en tuant les activités économiques à forte valeur ajoutée qui s’y déroulaient antérieurement. Déplacer les populations à proximité de Dakar en tuant des activités économiques, telles que le maraîchage, l’horticulture, la sylviculture, le pastoralisme , revient à procéder à la formation de bidonvilles et à étendre la banlieue de Dakar dans la zone rurale du département de Rufisque (qui malheureusement disparaît sous la poussée de l’habitat) ainsi que les zones forestières, industrielles, touristiques et agro- pastorales des départements de Thiès et de Mbour.

Réel risque de disparition des zones agro-écologiques des Niayes

En effet , les zones agro-écologiques des Niayes, à partir de Rufisque en passant par Diamniadio, Sangalkam, Bayakh, Cayar, Niaga, Sébikhotane et Pout vont bientôt disparaître, anéantissant du coup notre potentiel agro-pastorale et touristique ainsi que les formations forestières et minières de Thiès jusqu’aux abords de la Petite-Côte. A ce titre, un code d’utilisation des terres suivant les zones écologiques, devant le changement climatique et la menace du péril alimentaire mondial, devient une urgence afin de préserver les équilibres nécessaires à la biodiversité et de permettre le développement agricole, industriel et touristique de nos terroirs.

Si des mouvements massifs de populations devraient avoir lieu, ils ne devraient surtout pas s’effectuer vers des zones situées dans la presqu’île du Cap-Vert, notamment, dans les départements de Rufisque, ou, vers les proximités des départements de Thiès et de Mbour. Des villes comme Rufisque, ancienne capitale économique du Sénégal, Thiès et Mbour sont bien configurées et la partie rurale et forestière de ces villes génératrices d’activités créatrices de revenus sont en train de disparaître sous la poussée d’un habitat incontrôlé créant des mégalopoles, comme le fut la disparition des mangroves à Dakar générant le triste spectacle des inondations récurrentes dans notre capitale, la bidonvilisation et ses corollaires négatifs .

La ville de Rufisque étouffe

Au demeurant, la commune de ville de Rufisque est en train d’étouffer sous la pression de l’habitat dans l’arrière ville, provoquant l’amenuisement et l’insuffisance d’espaces publics et d’équipements collectifs, en plus de l’agression marine particulièrement vivace sur le littoral ; de sorte que si nous ne faisons pas attention, l’installation de colonies de peuplement dans la zone rurale du département de Rufisque, de Thiès et de Mbour sera synonyme de rupture des équilibres de la biodiversité et de cessation d’activités créatrices de revenus, allant du maraîchage, de l’aviculture, de l’horticulture, du pastoralisme, du conditionnement , de la conservation et de la transformation industrielle, au point que, si nous n’y prenons pas garde, le Sénégal va être un importateur net de produits maraîchers, horticoles, avicoles et laitiers, en plus de l’importation d’importantes quantités de bétail, contribuant ainsi au creusement du déficit déjà très chronique de notre balance commerciale, à l’accroissement de la pauvreté avec la disparition d’activités créatrices de revenus sous la poussée de l’habitat dans des zones de production.

Le pôle urbain de Diamniadio et ses dérivés détruisent l’environnement…

La question de l’aménagement du territoire national en parfaite symbiose avec la stratégie pour demain de développement économique et social, qui s’appuie sur la création de pôles régionaux économiques, est d’une importance primordiale dans la quête du mieux être des sénégalais, si bien qu’il y a lieu de reconnaitre que le pôle urbain de Diamniadio ainsi que la création de centrales électriques et d’industries qui utilisent comme combustible le charbon dans la zone agro écologique des Niayes participent à la destruction de l’environnement, à l’accroissement de la pauvreté, à la bidonvilisation, à l’amplification des inondations et à leur récurrence.

Medianet.sn

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