El hadj Hamidou Kassé

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Quand on ne peut pas être plus éloquent que le silence, la logique voudrait qu’on se taise. C’est ce qui explique la torpeur dans laquelle, El Hamidou Kassé s’était plongée depuis qu’il a quitté le Pôle de communication de la Présidence de la République, pour devenir conseiller en Arts et Culture. D’ailleurs dans un entretien exclusif accordé à Sud Quotidien, le philosophe-écrivain, soutient que « c’est dans le silence seulement que l’écoute est possible ». Passé le temps de la clameur, il a accepté de s’exprimer . Sans esquive, aucune, Kassé brise son silence et entre dans le débat politique. Il revient sur le front social qui est ébullition avec le mouvement Ñoo Lank, la flambée des prix, le courant anti-France et décline la politique culturelle sénégalaise. Sans occulter les questions politiques notamment la succession de Macky Sall et l’absence du PDS et de Pastef dans le dialogue national.

Monsieur le Ministre, on ne vous entend presque plus depuis que vous avez quitté le Pôle communication de la présidence. Qu’est ce qui explique le silence d’El Hadji Kasse ?

Il y a de la vertu dans le silence. On monte en plus de sagesse (sourire). D’ailleurs, on ne peut rien dire d’essentiel dans la clameur. Car, dans la clameur, on ne s’écoute pas. C’est dans le silence seulement que l’écoute est possible.

Vous êtes ministre, conseiller en Arts et Culture à la présidence de la République. Quelle qualification donnez vous à la politique culturelle sénégalaise ?

Le Président a une politique culturelle très ambitieuse. Depuis Senghor, on peut dire que c’est lui qui ébauche les fondements d’une nouvelle politique culturelle. Il reprend à son compte le legs senghorien d’une approche anthropologique centrée sur les valeurs de civilisation. Mais, il développe une nouvelle démarche basée sur ce qu’il appelle l’africanité forte et ouverte qui s’appuie sur une solide architecture industrielle. A travers les divers fonds dédiés au cinéma, aux cultures urbaines, à l’édition, la construction de nouveaux lieux d’art et de culture avec le Palais des arts africains contemporains, les projets de Bibliothèque nationale, de Cité du cinéma et du Centre national des archives, le président jette les bases de notre nouvelle industrie culturelle. Il faut ajouter à ces points d’appui les Maisons de la culture et de la citoyenneté comme illustration de notre politique d’équité territoriale, en sus des instruments qu’il a trouvés, principalement la Biennale. L’avènement de la Sodav et le statut de l’artiste complète ce dispositif qui va donner de nouvelles ailes à la création culturelle et artistique dans un contexte d’essor du numérique et d’ouverture de l’audiovisuel. Le Président a eu raison de se dire que son présent mandat sera essentiellement culture.

Le dialogue national semble prendre du plomb dans ses ailes avec le cumul chef d’état-Chef de parti sans occulter les absences des partis comme le Pds (deuxième aux législatives) et le Pastef (3ème à la Présidentielle)

Le dialogue national est une invention politique majeure. Il appartient à tous les acteurs politiques, sociaux, économiques et culturels d’en faire un moment et un instrument d’élaboration de consensus forts pour le raffermissement de notre démocratie et l’accélération de notre décollage économique, culturel et social. Pour ma part, je trouve que le dialogue national est également un mécanisme de gestion prévisionnelle de crise. C’est ce que les amis et moi, tentons de théoriser depuis le lancement de appel pour le dialogue national. Il faut féliciter le Président qui en a eu l’initiative alors que le pays ne connaissait aucune crise. Il faut féliciter aussi toutes les forces vives de la nation engagées dans cet exercice salutaire pour notre pays. Dans plusieurs pays que j’ai visités, le Dialogue national est considéré comme un modèle pertinent pour l’Afrique et pour les démocraties contemporaines aujourd’hui un peu essoufflées. Comme le dit souvent le Président, la démocratie ne doit plus être réduite à sa dimension conflictuelle. Son paradigme moderne peut être la quête permanente de consensus et le conflit n’en étant juste qu’une possibilité. Cà, c’est le principe. Pour ce qui concerne votre question précisément, il convient de comprendre l’esprit du Dialogue national. L’idéal aurait été que le consensus soit trouvé sur toutes les questions. Convenez que c’est difficile. Après tout, ce n’est pas un processus délibératif. Dans la majorité, nous pensons que le Président de la République peut parfaitement être chef de parti justement parce qu’il est chef de l’exécutif contrairement à certains pays où c’est le Premier ministre, issu de la majorité parlementaire, qui est chef de l’exécutif. Mon ami Ibrahima Sène l’a largement argumenté. Maintenant, si on ne lui trouve pas un consensus, cette question sera rangée dans la rubrique des questions non consensuelles. Concernant l’absence des partis dont vous parlez, mon idée est que politiquement il est peu productif d’être en dehors du Dialogue national. Et, à mon humble avis, ceux qui sont dans cette posture se rendront compte que c’est une erreur. Lorsqu’un processus politique nouveau est en cours, il est recommandé de s’y incorporer. Il s’agit, en effet, de l’ouverture d’un nouveau cycle politique qui risque de laisser durablement dans la marge ceux qui n’ont pas eu l’intelligence politique de s’y impliquer. L’avenir proche nous édifiera.

Le front social est en ébullition avec le mouvement Ñoo Lank, qui lutte contre la hausse de l’électricité et exige la libération de Guy Marius Sagna. Sans occulter les différentes sorties des enseignants.

La question de l’électricité est trop sérieuse pour être réduite à une de ses dimensions. Je pense très sincèrement que les compatriotes engagés dans ce mouvement doivent considérer de manière beaucoup plus sereine l’environnement de notre pays, nos exigences de développement. Il faut reconnaitre les efforts de l’Etat dans ce secteur. Non nous avons maîtrisé la crise que nous avons connue jusqu’en 2011 mais aussi les prix de l’électricité ont été contenus dans les limites du raisonnable pour la grande majorité des populations. Par ailleurs, il est préférable, tout de même, de nous soustraire définitivement des crises récurrentes avec leur lot de délestage continu que d’en vivre les affres du fait de prix qui ne correspondent nullement à la réalité du marché. A mon avis, les responsables de ce mouvement doivent croiser lucidement leur regard avec celui du ministère de tutelle en lieu et place de la radicalité extérieure et de l’approche conflictuelle.

Le front social c’est aussi la flambée des prix…

Ce n’est pas ce qui ressort des constats sur le marché à ma connaissance. Toujours est-il qu’il faut reconnaître que depuis 2012, on a assisté à une logique peu économique de quasi blocage administratif des prix. Le président de la République a soutenu l’impératif de veiller sur le pouvoir d’achat des populations et l’exigence de politiques stratégiques de développement économique et social. C’est une logique difficile mais une logique soutenue jusqu’ici. Nous devons comprendre, ensemble, qu’il est capital de combiner notre souci du social et les contraintes que nous impose le les lois spécifiques du marché.

Et le courant anti-France? Qu’en pensez vous ?

Je suis de nature très réservé pour tout ce qui est «anti». L’anti définit une position négative, pour ne pas dire de faiblesse, souvent réduite au slogan. C’est donc une posture plutôt réduite à la surface de dynamiques autrement plus complexes. Si nous restons dans la posture anti, nous risquons bien d’être anti tout, car nous ne pouvons oublier que nous sommes dans un contexte d’interdépendance. D’une part. D’autre part, il me semble que la politique, c’est l’intelligence des rapports de force. Nous devons donc analyser les situations de manière minutieuse, en déterminer les points d’appui pour créer des ruptures, d’autres pour négocier, d’autres encore pour reculer pour mieux sauter. Lénine parlait d’analyse concrète de la situation concrète. Je sais que les Présidents Sall et Macron, par exemple, sont très soucieux d’une évolution vers plus d’équilibre des relations entre la France et l’Afrique, singulièrement le Sénégal. Je respecte certains de nos compatriotes qui sont dans cette posture. Mais j’estime qu’ils doivent prendre en compte la démarche de l’Etat. Dans toute situation, les acteurs peuvent avoir des démarches différentes, mais travailler pour le même objectif. Enfin, il n’échappe à personne que le Sénégal a accentué la diversification de ses partenaires dans le cadre de sa stratégie nationale de développement. Les bases de la nouvelle économie pétrolière et gazière l’illustre amplement en même temps que d’autres secteurs comme les infrastructures.

Mais de plus en plus des voix s’élèvent pour contester la domination de l’économie sénégalaise par la France. Que pensez-vous de ce «néocolonialisme» qui ne dit pas son nom?

Examinons les faits, au-delà des slogans et des a priori. Le Président Macky Sall a trouve ici l’essentiel des entreprises visées lorsque certains parlent d’une domination de l’économie sénégalaise par la France. Depuis 2012, le Président de la République a impulsé une dynamique de diversification de nos partenariats avec comme souci majeur de tenir ferme sur les intérêts de notre pays. Pour qui n’est pas dans le slogan, c’est tangible ce que je dis là. Les dernières semaines ont été marquées par un intense ballet diplomatique à Dakar avec un fond économique incontestable. La nouvelle économie pétrolière du Sénégal est-elle dominée par la France ou un autre pays? Ensuite, il faut le dire clairement, la France est un partenaire du Sénégal. Nos relations ont une particularité. Des milliers de Sénégalais se trouvent dans ce pays, travailleurs comme étudiants, hommes et femmes de culture et dans les métiers de la mode, des universitaires et des opérateurs économiques. Poursuivons le dialogue avec la France comme nous dialoguons avec d’autres en considérant qu’aucun pays ne peut plus vivre replié sur lui-même. Il ne faut pas avoir peur de dialoguer et je soupçonne fort que le “courant anti” soit justement du registre de la peur et de l’impuissance.

Votre parti l’APR est en zone de turbulences en perspective 2024. N’est il pas légitime d’afficher ses ambitions sans risquer d’être exclu du parti ?

l n’a jamais été question d’interdire à qui que ce soit d’afficher ses ambitions. Ce que nous avons dit et qui est juste, c’est que les Sénégalais n’ont pas réélu massivement le Président Macky Sall pour installer le pays dans une campagne électorale permanente. Notre vocation est de travailler d’abord pour le développement de notre pays et le bien-être des populations. Aucun autre débat ne vaut les nouveaux chantiers que le Président a lancés sur la voie de la prospérité et de l’amélioration des conditions de vie des population: les adductions d’eau, les autoponts à Dakar, le BRT, les infrastructures sportives, le renforcement et la modernisation de la gouvernance avec toutes les mesures pour la transparence, la réduction drastique du train de vie de l’Etat, l’efficacité de l’administration, le Programme des 100 000 logements, le Zéro Déchet, le renforcement de l’offre énergétique, surtout en matière d’énergie propre avec l’inauguration il y a trois jours de la centrale éolienne de 158 méga, etc. Voilà l’essentiel et ces questions sont essentielles. Notre parti et notre majorité doivent en porter le débat pour les partager et les valoriser.

Moustapha Diakhaté prône même des primaires pour occuper la présidence de l’APR. N’est ce pas une bonne idée pour consolider la démocratie au sein de votre partie ?

Encore une fois, il y a un temps pour tout. Pour l’instant, ce qui importe, c’est la vie des Sénégalais et non la carrière politique d’un d’entre nous. D’ailleurs, ça, c’est un débat interne à notre parti. En quoi intéresse-t-il les Sénégalais qui ne sont pas membres de notre parti? Voilà! Personnellement, je m’en tiens à la directive du Président de notre parti: unité, discipline et mobilisation.

Des voix s’élèvent de plus en plus pour déplorer l’absence de débat de fond dans l’espace politique comme on l’avait vécu jadis ?

Justement, les populations demandent des débats de fond. Nous sommes demandeurs de débats de fond sur les enjeux stratégiques qui touchent l’avenir de notre pays, tels le développement économique et social, la sécurité dans un contexte sous-régional agité, l’éducation et la formation, l’équité territoriale, le présent et l’avenir de la jeunesse. Voilà de bons débats en lieu et place des invectives et des attaques crypto-personnelles portées par certains qui réduisent tout leur discours à Macky Sall. Je pense d’ailleurs que c’est la presse qui contribuer à susciter, encadrer et promouvoir ces débats. Au cas échéant, beaucoup de personnes narcissiques habituées aux monologues improductifs parce que centrés sur des accusations sans fondement verront bien qu’ils n’ont pas leur place dans de sérieuses controverses

Après la rencontre Wade-Macky, on a assisté à une poignée de main assez chaleureuse entre le chef de l’Etat et Idrissa Seck qu’il a même qualifié de son «aîné» ? Quelle analyse en faites-vous ?

Je n’ai pas d’analyse à faire. Après tout Idrissa Seck et Macky Sall ne sont pas des ennemis. Ce sont juste des adversaires politiques et c’est plutôt une très bonne nouvelle qu’ils se serrent la main et personnellement je souhaite que cette poignée de main se prolonge, qu’elle soit encore plus productive politiquement. Après tout, Idrissa Seck est un acteur politique majeur, arrivé deuxième à la dernière élection, dont la formation politique est partie prenante du dialogue nationale. Dans son discours d’hommage à Ousmane Tanor, le Président Macky Sall a parlé de grandeur de la Nation sénégalaise. Qu’il travaille à ce que tous les enfants de ce pays fassent consensus autour de cette exigence est tout à son honneur. Sa grandeur aussi.

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