Immigration africaine

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Les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pays poussent des milliers de jeunes Africains à préférer l’exode, même clandestin.

L’immigration n’est pas un phénomène nouveau

Des mouvements migratoires ont toujours existé entre les pays sahéliens et le Maghreb en général ; mais il s’agissait surtout de Maliens, de Nigériens et de Tchadiens, qui s’y rendaient pour des travaux saisonniers, et parfois, pour s’y installer. Mais aujourd’hui, le but a changé : il s’agit d’aller plus loin… en Europe. Le système des visas pour accéder aux pays européens, la difficulté pour les obtenir, et la création de l’espace Schengen, ont contribué au développement de filières migratoires clandestines, surtout en Algérie et au Maroc. Elles sont désormais, pour les candidats à l’émigration, la seule possibilité de réaliser leur projet.

Certes, l’accès en France des ressortissants de l’Afrique Noire relève des conventions de libre circulation des personnes, signées entre la France et la plupart des pays d’Afrique noire, peu après les indépendances. Mais les choses ont changé, et « l’immigration choisie » est loin de répondre aux attentes de tous ceux qui veulent partir.

Le problème aujourd’hui

Dans ces dernières années, l‘océan Atlantique est devenu le cimetière de milliers d’émigrants africains inconnus qui s’y noient en tentant de gagner les Canaries à partir de la Mauritanie ou du Sénégal. Pour environ mille euros chacun, gagnés dans l’économie souterraine à  Dakar, Nouakchott ou à Nouadhibou, les clandestins venus de divers pays d’Afrique noire se lancent dans la traversée, entassés à 40 ou 50 et parfois 70 sur des barques de pêche relativement robustes. Une panne de moteur ou une trop grosse vague seront souvent mortelles. Ils risquent tout pour ce voyage, et ils savent que leur futur ne sera pas aisé. Certains y laisseront leur vie, d’autres seront renvoyés chez eux et d’autres encore, qui atteindront leur destination, savent que leur existence n’y sera pas forcément plus facile. Mais les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pays poussent des milliers de jeunes Africains à préférer l’exode, même clandestin.

Pourquoi veulent-ils quitter leur pays ?

Pourquoi un tel afflux d’immigrés vers l’Occident ? Pourquoi ces gens prennent-ils des risques frôlant le suicide ? Pourquoi ? Ils se retrouvent face à un choix difficile : « Avancer, c’est mourir ; reculer, c’est mourir. Alors, mieux vaut avancer et mourir. »

Pourquoi quittent-ils alors leurs pays ? Aucun homme ne quitte son pays pour le plaisir d’immigrer.« Mes oreilles résonnent encore d’un mot que prononçaient inlassablement les clandestins que j’ai côtoyés : le bonheur. Vouloir être heureux à tout prix, mettre sa vie en jeu et ne pas renoncer… Quelle que soit la difficulté. Quel que soit le temps qu’il faudra y consacrer. Un quitte ou double que nous n’osons plus regarder en face… » « Nous sommes sortis de nos familles et de nos pays la rage au cœur avec l’envie de réussir… », affirmait un jeune candidat refoulé d’Espagne . Pour lui, le chômage et la pauvreté constituent la principale cause de l’immigration, et le rêve et le mirage de l’eldorado occidental.

L’économie

Depuis la décolonisation, on voit l’accentuation du sous-développement. L’Afrique subsaharienne doit importer la majorité des produits industriels et de consommation dont elle a besoin. Ceux-ci ont des coûts de plus en plus élevés, en raison de la forte dévaluation de la plupart des monnaies. Aussi la dette extérieure augmente dangereusement. De plus, les cultures vivrières qui doivent alimenter les populations sont sacrifiées au bénéfice de cultures d’exportation, au nom de l’impératif du développement. Or, les pays du Sud n’ont aucune prise sur la fluctuation des cours de ces cultures qui sont fixés unilatéralement par les pays industriels occidentaux. Devant faire face à la faim, la population doit chercher un endroit où le manger ne fera pas partie de la préoccupation quotidienne. Une sorte de terre promise, pays du salut. Et cet endroit, c’est l’Occident.

La politique

La seconde cause de migration est bien sûr l’injustice sociale et la grande précarité. Depuis la fin de la guerre froide, les aides se sont effondrées à des niveaux jamais connus. L’Afrique ne joue plus son rôle de partenaire, et elle doit traiter à leurs conditions avec les grandes multinationales occidentales, et les institutions financières internationales. La lutte pour le pouvoir et l’accès aux richesses a ouvert des conflits intérieurs et extérieurs de plus en plus dévastateurs. Un Africain sur cinq vit une situation de guerre ; et la violence est en train de devenir le mode usuel des relations sociales entre cadets et aînés, riches et pauvres, ethnies et religions différentes.

Et tous les autres maux dont souffre l’Afrique sub-saharienne

Le sida qui continue ses ravages (en 2007, 22,5 millions de sub-sahariens vivent avec le VIH) ; la faim (200 millions d’Africains ont faim, car l’Afrique demeure le continent le plus touché par la faim et la malnutrition) ; l’eau (malgré des réserves d’eau douce qui sont parmi les plus importantes du monde, 450 millions d’Africains souffrent toujours du manque d’eau courante et potable) ; le chômage (les emplois sont rares et les salaires trop maigres).

Contre eux, une politique de refus

Bien des voix se lèvent pour dénoncer la victoire des partis d’extrême droite dans beaucoup de pays d’Europe et le renforcement des lois sur l’immigration. La xénophobie augmente, les immigrés sont montrés du doigt… Mais peut-on honnêtement accuser les immigrés d’être la cause du chômage, de l’insécurité, de l’insalubrité ?

On ne peut nier que l’immigration irrégulière constitue l’une des principales préoccupations des pouvoirs publics et des citoyens des pays industrialisés. Les moyens sont nombreux pour détourner la loi : entrée illégale dans les pays de destination, mariages blancs, dépassement des séjours autorisés, interprétation abusive du droit d’asile. On connaît aussi la difficulté à renvoyer les candidats non désirés.

Aussi tout est fait pour accroître le contrôle des frontières.

solutions ?

Si même le risque de mort ne dissuade pas les clandestins, comment agir ? La prison ? Ils s’en moquent. Le renvoi dans leur pays ? Ça coûte cher et ils reviennent. Surveiller les frontières, encore plus ? Coût trop élevé et impossible mission… Alors que faire ?

Il nous faut d’abord prendre davantage conscience des nombreuses difficultés que les migrants rencontrent au quotidien, bien qu’elles ne soient pas forcément les mêmes pour tous au même titre : une grande précarité au plan matériel (nourriture, entretien personnel, logement) et des difficultés d’accès aux soins ; peu et parfois pas du tout de travail, et un travail mal rémunéré ; l’attitude inamicale d’une bonne partie de la population locale ; un sentiment d’abandon et d’isolement, du fait qu’ils sont des clandestins ; souvent l’abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre ; des conditions de refoulement très dures, voire inhumaines. Et tout cela est encore plus lourd pour les femmes et les enfants.

Il est certain que la plupart des migrants préféreraient rester dans leur pays d’origine, parce qu’ils y ont leur famille, leur culture, leurs racines. Il est donc urgent d’aider au développement des droits humains, de la démocratie, du syndicalisme et de la protection de l’environnement dans les pays africains. Mais il est vrai que les Occidentaux doivent aussi aider à créer de l’emploi chez eux, en investissant dans l’industrie, le textile, l’agriculture, la pêche, l’élevage… Réduire la pauvreté en Afrique est le moyen le plus efficace pour lutter contre l’immigration clandestine.

Les États d’Afrique doivent cesser d’agir comme dans les années de prospérité où l’Europe, en plein boom industriel et immobilier, avait besoin d’une main-d’œuvre africaine bon marché. Les temps ont changé, l’économie moderne emploie peu de travailleurs, et les syndicats européens eux-mêmes en sont les premières victimes.

On peut reprendre les paroles de la Ligue des Droits de l’Homme :

« Migrer, quitter son pays, quel qu’en soit le motif, est toujours un choix douloureux, mais un choix dont le droit est inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme à l’article 13. Migrer est un choix personnel, aucune mesure étatique dans un monde où existe la liberté de circulation des marchandises, des services et des capitaux, ne pourra empêcher les personnes de circuler. S’il est légitime que les États contrôlent les entrées et les sorties à leurs frontières, il n’est pas légitime que les États considèrent les personnes qui se présentent à leurs frontières comme des criminels.

Les femmes et les hommes qui veulent venir en Europe ont le droit d’être accueillis, de faire valoir les raisons de leur venue. Faire croire aux citoyens européens que des mesures de contrôle aux frontières et bien au delà des frontières « protégeraient » l’Europe de l’immigration, que des morts en Méditerranée et ailleurs en seraient le prix à payer est un mythe dangereux, quand l’Union européenne évalue elle-même son solde migratoire à plus d’un million de personnes. »

Des hommes ont faim. Rien ne les empêchera d’aller dans les pays où ils pensent qu’on ne connaît ni la faim ni l’arbitraire. L’Afrique doit en tirer ses leçons.

L’Afrique est un continent si riche en ressources humaines ainsi que naturelles ; pourquoi donc refuser la liberté économique aux Africains ? « Nous sommes une génération qui croyons que le présent, c’était hier et aujourd’hui nous sommes déjà en retard. L’avenir nous appartient ! À nous de le posséder… »

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