La CIMA appréciée par son patron

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A la veille de la rencontre des Assureurs africains, le Secrétaire Général de la CIMA, Blaise Abel EZO’O ENGOLO parle des réalisations de l’Institution et des défis à relever sur les plans de l’innovation technologique et financière ainsi que sur la communication.

Vous avez été élu il y a un an et vous avez pris vos fonctions de secrétaire général de la Conférence Interafricaine des Marchés d’assurances (CIMA), au mois d’avril 2021. Pourriez-vous nous édifier sur cette institution, notamment en ce qui concerne les objectifs et les missions à elle assignés?

Merci pour cette opportunité qui me permet de vous apporter les éléments d’information sur la Conférence Interafricaine des Marchés d’assurances (CIMA). Celle-ci est née de la volonté des 14 Etats signataires du Traité CIMA le 10 juillet 1992 à Yaoundé.

Elle fait suite aux conventions de coopération en matière de contrôle des entreprises et des opérations d’assurance signées successivement à Paris les 27 juillet 1962 et 27 novembre 1973.

Les objectifs de la Conférence visent à :

– Renforcer la coopération, dans le domaine des assurances, en instituant un marché élargi et intégré de l’industrie des assurances, réunissant les conditions d’un équilibre satisfaisant du point de vue technique, économique et financier ;

– Faciliter les conditions de développement et d’assainissement des entreprises d’assurance et accroitre les capacités de conservation des primes au plan national et sous régional ;

– Favoriser l’investissement local des provisions techniques et mathématiques générées par les opérations d’assurances dans les conditions les meilleures, au profit des économies de la sous-région.

– Poursuivre la politique d’harmonisation et d’unification des dispositions légales et réglementaires relatives aux opérations d’assurance et de réassurances ainsi qu’au contrôle des entreprises d’assurances et de réassurances ;

– Poursuivre la politique de formation des cadres et techniciens d’assurances pour les besoins des entreprises et des administrations dans les États membres.

Ces objectifs sont mis en œuvre par les organes spécialisés créées à cet effet à savoir, l’Institut International des Assurances (IIA) et la CICA-RE. Le Conseil des Ministres est naturellement l’organe directeur de la Conférence. La Commission Régionale de Contrôle (CRCA) est l’organe régulateur.

Depuis donc le 10 juillet 1992, date de signature du Traité CIMA que vous avez évoquée tantôt, quel bilan pouvez-vous faire de cette institution?

« 30ans après sa mise en place, le bilan de l’initiative CIMA est peut-être discret, mais fort élogieux. Il suffit pour s’en convaincre de constater les importantes réalisations et la qualité des résultats enregistrés. Pour en citer quelques-uns :

Le Code CIMA qui institue la réglementation unique de la conférence est disponible, toujours actualisé et largement partagé. Cet important recueil de tous les textes applicables en matière assurancielle est en vigueur depuis 1994.

Les imposants et futuristes sièges du Secrétariat Général de la CIMA à Libreville, de l’Institut International des Assurances à Yaoundé et de la CICA-RE à Lomé sont des fruits d’un ingénieux système de financement pour les deux premiers et de ressources propres pour le troisième ;

Sur le plan statistique : plus de 200 sociétés ont été agréées dont 176 restent en activité ; Au cours de l’exercice 2020, le marché enregistre un chiffre d’affaires de 1 363 milliards FCFA. Des sinistres réglés pour près de 750 milliards FCFA, les provisions techniques et mathématiques évaluées à 2 276 milliards FCFA. Les placements représentent 2 598 milliards FCFA, des commissions ont été payées aux intermédiaires pour 149 milliards de FCFA et le résultat net d’exploitation s’est établi à 85 milliards FCFA.

L’assainissement des sociétés et le renforcement de leur capacité financière et de leur solvabilité est une préoccupation très vive du Régulateur. Aujourd’hui, Toutes les sociétés en activité disposent du capital minimum réglementaire exigé et plus de 80% des sociétés couvrent leurs engagements réglementés et disposent d’une marge de solvabilité suffisante. Pour celles qui restent encore à la traine, un suivi de proximité de la Commission de Contrôle est mis en place pour les accompagner à satisfaire aux normes. Plus d’une trentaine de sociétés ont vu la totalité de leurs agréments retirés.

La cadence de règlement des sinistres s’est fortement améliorée, même si elle demeure perfectible. Les niveaux d’investissement dans les économies et dans les instruments de placement étatiques sont significatifs.

Sur un tout autre plan, on note une amélioration marquée des capacités des cadres en qualité et en quantité. En effet, l’Institut International des Assurances livre tous les deux ans une moyenne de 50 cadres et techniciens supérieurs et plus de 300 agents techniques sur les marchés, tous titulaires soit du DESS-A, du MST-A ou du DTA. Cette instance qui vient de basculer dans le système LMD vient en outre de livrer sa première cuvée d’actuaires co-diplomés ISFA-LYON/IIA

Je relève au-delà de tout, un fonctionnement très harmonieux du système, sur des bases convenues et respectées par tous les États. La CIMA est sans conteste une brillante réussite de coopération régionale.

Mais beaucoup reste néanmoins encore à faire, notamment pour relever le défi de l’image et de la qualité de service et des prestations vis-à-vis des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurances, autant d’objectifs spécifiques pour lesquels le haut Conseil des Ministres maintient toute la fermeté de ses directives.

L’innovation technologique et financière est à l’origine de l’assurance dématérialisée et de l’introduction de nouveaux produits et de nouveaux canaux de distribution d’assurance.

La réglementation a-t-elle évolué pour en tenir compte ?

Le monde est en effet lancé à toute vitesse dans l’innovation, avec notamment la dématérialisation de nombres d’activités économiques, notamment dans les services. L’industrie des assurances n’échappe pas à cette évolution sans retour. On observe, non seulement l’émergence de nouveaux produits et autres opérateurs qui se déploient en marge des systèmes classiques, mais aussi une mue marquée des systèmes d’exploitation des sociétés d’assurances. Les nouveaux modes de distribution par téléphonie mobile sont porteurs d’un potentiel important et de beaucoup d’espoir. En particulier, la microassurance, créneau par excellence du digital, qui vise à satisfaire les besoins des personnes exclues de la finance traditionnelle, du fait de leur faible niveau de revenu, pourrait être le train de la révolution assurantielle.

Tout cela n’est pas sans risques pour les usagers du système financier dans son ensemble et au-delà, pour les économies de nos pays.  En l’absence de capacités permettant de suivre les flux et mouvements (primes collectées, sinistres payés, résultats enregistrés…), l’innovation technologique pourrait malheureusement se muer en une sérieuse menace pour les masses utilisatrices.

La CIMA est à pied d’œuvre pour encadrer l’assurance digitale qui doit néanmoins être encouragée. Il s’agit à ce stade de bâtir une réglementation suffisamment souple et intégrative de la dynamique, des process, méthodes et réalités du numérique. Une démarche de benchmarking pourrait permettre de s’approprier les expériences réussies d’autres espaces économiques. »

Comment évaluez-vous l’impact de la Covid-19 sur le secteur des assurances et de la réassurance sur le marché de la zone CIMA ?

Il me semble judicieux de distinguer l’impact sur le cœur de métier et l’impact connexe et indirect de la pandémie sur le secteur global des assurances dans la zone.  En ce qui concerne le cœur de métier, c’est-à-dire les prestations liées à l’application directe des contrats, jusqu’ici, l’impact de la covid19 est resté mitigé. On observe une certaine résilience et même globalement une croissance du chiffre d’affaires des sociétés vie et non vie (+4,8% en 2020 par rapport à 2019). Cette résilience pourrait s’expliquer par le principe de la technique assurancielle qui exclut la prise en charge les sinistres de nature pandémique. En effet, l’état de pandémie, une fois déclaré, entraine des restrictions à l’accessibilité aux prestations d’assurance et exclu généralement de la couverture des contrats, les sinistres y relatifs.

Par contre, s’agissant des effets indirects de la pandémie, qui ont touché tous les pans des économies de notre zone, ils sont consécutifs à la baisse parfois substantielle d’activités qu’ont connues de nombreuses entreprises assurées. Dans le secteur du tourisme par exemple, plusieurs exploitations assurées ont dû arrêter leurs activités.

Je souligne néanmoins que les sociétés d’assurances et leurs associations ont pris la judicieuse résolution de se tenir à l’écoute des assurés et de réviser les clauses exclusives de couverture de leurs contrats d’assurances maladie. Les régulateurs ont, en ce qui les concerne, incité les sociétés à mettre en place formellement des plans de continuité des activités, pour faire face à l’éventualité d’une rupture d’équilibre de leur portefeuille, des suites de la pandémie.

La perception de l’assurance est assez négative auprès de l’opinion et la CIMA n’est pas visible dans le concert des institutions de son rang.

Qu’est ce qui est prévu pour améliorer la notoriété de l’institution et développer l’attrait du public pour les assurances?

Le secteur des assurances dans la sous-région souffre en effet, à tort ou à raison, d’une image assez contrastée auprès du grand public. Cet état de chose puise son assise de facteurs dont certains sont intrinsèques à la profession et d’autres indépendants de la volonté des assureurs. Les retards dans le règlement des sinistres ne relèvent pas toujours des manœuvres sibyllines des compagnies d’assurance tel que véhiculé dans l’imagerie populaire. Très souvent l’assuré/victime peut être à l’origine du glissement des délais de paiement, de même que les autres institutions qui interviennent dans le processus d’indemnisation (Constats, Experts…).

En tout état de cause, l’ensemble du système de la Conférence est mobilisé pour améliorer significativement la cadence de règlement des sinistres et la qualité du service aux assurés. Des avancées importantes ont été faites dans ce sens. Le secrétariat général poursuivra les efforts pour que les engagements, au cœur du métier de l’assurance, soient tenus en temps et en quantum.

S’agissant de la Communication, l’intérêt d’une meilleure visibilité de la Conférence est certain et le bénéfice d’un positionnement affirmé au rang des grandes institutions de supervision des assurances et du secteur financier est incontestable. Nous pensons qu’une révision de la stratégie de communication et une densification des actions permettant une meilleure connaissance du secteur des assurances par le public devront être menées.  Le Comité des Experts, instance préparatoire et de conseil du Conseil des Ministres, vient de le réitérer lors de l’appréciation du nouvel organigramme du Secrétariat général soumis à l’adoption du Haut Conseil des Ministres.

L’équipe dirigeante de la CIMA a été totalement renouvelée.

Est-ce une dynamique de sanction de l’équipe sortante ? et quelle mission est confiée à l’équipe entrante ?

En effet le Président du Comité des Experts, le Président de la Commission Régionale de Contrôle, le Secrétaire Général et les deux Secrétaires Généraux-adjoints ont tous été remplacés au cours de l’exercice achevé. Mais il ne s’agit nullement d’une quelconque démarche de sanction de l’équipe précédente. Leurs mandats étaient tout simplement arrivés à échéance.

La nouvelle équipe est chargée, comme la précédente, de mettre en œuvre les hautes directives des 14 États de la Conférence qui sont très clairement édictées dans le Traité instituant une organisation intégrée de l’industrie des assurances dans les États africains, communément dénommé TRAITE CIMA. Il va s’agir de mettre en œuvre la vision stratégique du Conseil des Ministres, à savoir, faire de la Conférence « Une Organisation de référence au service du développement de l’industrie des assurances au profit des populations et des économies africaines, arrimée aux meilleurs standards internationaux en matière de supervision financière et participant à l’intégration régionale et à l’inclusion financière dans la zone ».

Quelles sont les perspectives de l’industrie des assurances dans un contexte marqué par une crise économique liée à la pandémie du covid19 ?

La plupart des secteurs d’activité ont subi les effets de la pandémie à travers le monde. L’impact est plus ou moins marqué dans le secteur des assurances. Mais comme indiqué plus haut, et au regard des statistiques, il s’agit plus d’un ralentissement que d’une crise, en ce qui concerne le secteur des assurances et de la réassurance de la région CIMA.

La résilience du secteur des assurances repose, en grande partie, sur la démarche prudentielle naturelle des assureurs. Il leur revient maintenant de faire appel à leur créativité et au potentiel de réserves pour se prémunir davantage. Il reste constant que les assureurs sont attendus pour soutenir l’ensemble des exploitations et entités de production qui subissent des pertes assurées.

De manière générale, l’assurance africaine doit faire sa mue sur les plan organisationnels, fonctionnels et processuels. Elle ne peut rester à la traine des canons mondiaux de référence et des contraintes de qualité et de transparence ou se maintenir en marge du grand wagon de l’inclusion financière et la dématérialisation et ses exigences.

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