Banques et paradis fiscaux: transparence minimum, bénéfices maximum

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Dans une étude inédite publiée ce lundi, l’ONG Oxfam, très active sur le terrain de la lutte contre l’évasion fiscale, épingle les 20 plus grandes banques européennes pour leur pratique dans les paradis fiscaux. Un an après les Panama Papers, la situation est toujours alarmante. Le lieu n’est pas choisi au hasard. C’est à la station Luxembourg que l’ONG Oxfam, en pointe sur la question de la lutte contre l’évasion fiscale, convie la presse et le public à un rassemblement ce lundi à Paris. Objectif: proposer une piqûre de rappel aux candidats à la présidentielle à quelques jours du premier anniversaire du scandale des Panama Papers.

25 milliards d’euros dans les paradis fiscaux

Pour l’occasion, l’ONG publie aussi un rapport européen inédit qui épingle l’optimisation fiscale d’une vingtaine de banques européennes, dont les ténors françaises (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale). Dans le viseur de cette étude de 52 pages, le recours massif selon ses auteurs à l’évasion fiscale. “Ce rapport démontre [que les banques] déclarent 26% de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros en 2015, pour seulement 12% de leur chiffre d’affaires et 7% de leurs employés. Le décalage est flagrant entre la part de leurs bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux et celle des autres indicateurs d’activités que sont le chiffre d’affaires et la main d’oeuvre”, indique Oxfam. Pour compiler ces données, l’organisation s’est appuyée sur des “reportings” pays par pays, “une obligation de transparence instaurée par l’Union européenne”, rappelle Oxfam. Dans le détail, l’ONG a regardé l’ensemble des rapports d’activité des banques pour mesurer à la fois leur activité réelle (nombre de salariés et chiffre d’affaires) et donc les comparer aux bénéfices déclarés.  Globalement, on a des difficultés à interpréter certaines données. C’est une transparence en demi-teinte, déplore auprès de L’Express Manon Aubry qui a mené cette étude. Quand on les interroge directement, elles ne réagissent pas très bien. Le problème c’est que les banques traînent les pieds. Par exemple, on en a trouvé une qui avait inscrit ses activités dans plusieurs paradis fiscaux dans un chapitre intitulé ‘Autres’ dans son rapport d’activité”.

Iles Caïman: “134 millions de bénéfices, aucun employé”

Si les banques françaises réalisent une partie de leur activité dans certaines destinations exotiques, “comme BNP Paribas qui déclare 134 millions d’euros de bénéfices aux Iles Caïman sans aucun employé sur place” selon Manon Aubry, c’est plus proche de nous, en Europe, que se trouvent les vrais enjeux d’après Oxfam.

On a trois banques (Barclays, Crédit Agricole et RBS) en Irlande qui ne payent que 2% d’impôts alors que le taux en vigueur est de 12,5%. En moyenne, les 20 banques étudiées sont imposées à 6%. L’Irlande est très connue pour ses “tax ruling”. Mais une des hypothèses que l’on avance dans le rapport, c’est qu’elles utilisent des “patent box” [des réductions d’impôts accordés aux entreprises qui déposent des brevets dans le pays] pour réduire leur imposition. Ce n’est pas illégal, mais c’est immoral. Pour l’Irlande on parle quand même de sommes énormes: 2,3 milliards d’euros “, affirme l’auteure qui cible également le Luxembourg où sont recensés 4,9 milliards d’euros de bénéfices dans les rapports annuels des banques concernées.

Quelles évolutions depuis les Panama Papers?

Un an après le scandale mondial des Panama Papers, les pratiques ont-elles réellement changé? “Clairement, l’évasion fiscale est devenue un enjeu dont tout le monde parle. Les politiques et les banques ne peuvent plus ignorer le sujet, se félicite Manon Aubry. En un an, on a vu une accélération des procédures d’échange automatiques d’information entre les États, notamment sur les comptes des particuliers. Mais à l’inverse, on est en train de perdre la bataille sur le dossier des grandes entreprises. L’Union européenne a tenté plusieurs réformes dont le reporting pour les entreprises, elles-mêmes clientes des banques…”

D’après Oxfam, la sensibilisation des pouvoirs publics est aujourd’hui actée, mais la lutte contre l’évasion fiscale est encore trop inégale selon les pays. “Les activités des 20 banques européennes sont plus de 2 fois plus lucratives dans les paradis fiscaux que dans les autres pays, note l’ONG. Pour 100 euros de chiffre d’affaires, les banques européennes déclarent 42 euros de bénéfices dans les paradis fiscaux, contre 19 euros en moyenne” dans le reste du monde. CQFD…

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