Témoignage

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« Telle une étoile filante, il s’éclipsa le 06 avril 2008 ! »

APRÉS son cycle primaire, à l’Ecole Paille d’arachide de la Gueule-Tapée, il accomplit ses études secondaires successivement à l’Ecole Fann-Résidence, au Collège Médina et au Lycée Van Vollenhoven (actuel Lamine Gueye). Puis direction… Commissariat Central de Dakar ! Pour «fait de grève» ! Malgré un cursus scolaire agité, le turbulent Latif Guèye réussit néanmoins la prouesse de rester assidu, pendant au moins deux années, à l’Université de Dakar, pour les besoins d’une Capacité de Droit. Très tôt engagé dans des mouvements clandestins d’obédience marxistes-léninistes, Latif Guèye est mis aux arrêts une première fois par la police à l’âge de…17 ans, pour «activités subversives». En 1976, avec des amis, il rejoint le professeur Cheikh Anta Diop, pour la création du «Rassemblement national démocratique» (Rnd). Puis se retira de l’action politique, en 1982, pour s’investir à temps plein dans la Société civile, tout en faisant carrière dans le journalisme.

Il effectue à cet égard plusieurs stages en Europe, auprès de grands groupes médiatiques, et revint au pays pour servir dans les premiers titres de la presse privée sénégalaise : «Nouveau Tiers-Monde», «Promotion», «Afrique Tribune», etc. En 1983, Latif Guèye créa la «Première revue sénégalaise des dossiers sociaux», un magazine mensuel qu’il baptisa du nom de «JAMRA», en référence à la cette étape du Pèlerinage aux Lieux Saints, où les pèlerins projettent des cailloux sur une stèle, représentant symboliquement Satan. Avant de devenir, cumulativement, en 1984, le premier rédacteur en chef du journal «WalFadjri», alors mensuel, co-fondé avec son «complice des heures de braise», l’arabophone Sidy Lamine Niass. L’engouement suscité dans le lectorat sénégalais par les enquêtes inédites menées par le magazine JAMRA, sur des sujets alors tabous, comme la toxicomanie, la dégradation des mœurs, etc., inspira de jeunes lecteurs à créer, autour de la revue JAMRA, un mouvement dénommé «Association des Jeunes Amis de JAMRA» (Ajad), qui deviendra, en 1985, une organisation sociale bien implantée dans la société sénégalaise, particulièrement dans les quartiers populaires, de par sa présence assidue dans tous les combats de société.

AU COURS de sa carrière professionnelle, Latif Guèye capitalisa une riche expérience à travers des voyages qui l’auront conduit sur les cinq continents, auprès de chefs d’Etats, Souverains et décideurs de par le monde. Grand reporter, il a à son actif des enquêtes politiques et sociales remarquables sur l’Algérie de Boumediene, la Guinée de Ahmed Sékou Touré… Le courant passa d’ailleurs fort bien entre lui et le charismatique leader guinéen, qui se trouve justement être l’ami et le «camarade syndicaliste» de son défunt père, Abbas Guèye (fondateur de l’Ugtan-autonome, durant l’époque coloniale). D’autres enquêtes journalistiques menèrent Latif au Sahara Occidental, durant «la guerre du Polisario», en République Islamique d’Iran, au début de la Révolution, où il a pu rencontrer l’Ayatollah Khomeiny, en son domicile privé à Jamran, à Tèhèran.

PIONNIER dans la lutte contre la Drogue et le Sida, Latif Guèye est le fondateur du premier Centre de Documentation et d’Information sur la Toxicomanie et le Sida (CNDITS), 1987. Diplômé du Centre Didro, en France, sur la prévention de la Toxicomanie, membre du Conseil Scientifique de Sos Drogue International, membre du Conseil International sur les Problèmes de l’Alcoolisme et de la Toxicomanie, basé en Suisse, initiateur du Premier «Colloque National Islam et Sida», co-président du Premier «Colloque International Sida et Religion» (1997), Latif Guèye aura dirigé, pendant une décennie, la Fédération Sénégalaise des Ong de lutte contre la drogue (Fonselud) et le Conseil des Ong de lutte contre le Sida (Icaso-Sénégal).

MILITANT, dès les premières heures, dans les organisations de la Société civile, il fut le président exécutif, pendant plus de vingt ans, de l’organisation Islamique non-gouvernementale JAMRA, spécialisée dans la lutte contre les «fléaux sociaux». Expert-consultant auprès de plusieurs organismes internationaux, dans des domaines aussi divers que la Communication, la Santé Publique, le Développement Communautaire, la Formation, la Planification, la Gestion de Projets, etc., il s’engage de nouveau, en 1999, dans l’arène politique et participe, avec l’Organisation islamique JAMRA, à l’avènement de l’Alternance politique de mars 2000. D’abord en alliance avec le leader de la Cdp-Garb gi, le professeur Iba Der Thiam ; ensuite, au second tour, avec le candidat de la coalition CA 2000 et secrétaire général du Pds, Maître Abdoulaye Wade.

IL EST PORTÉ, le 09 mai 2000, à la tête d’un parti politique, le Rassemblement Démocratique Sénégalais (RDS) – crée en 1956 par son père, le député-syndicaliste Abbas Guèye. Et de mai 2000 à octobre 2002 il occupa, cumulativement à sa fonction de président exécutif de l’organisation humanitaire l’Afrique Aide l’Afrique (AAA), celui de Conseiller spécial du président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, avec rang d’Ambassadeur. En juin 2003, la carrière politique de Abdou Latif Guèye fut brusquement interrompue par des démêles judiciaires (affaire des antirétroviraux), qu’il dénonce très tôt comme une «cabale politicienne, montée de toutes pièces par des manipulateurs tapis au cœur du Palais de la République». Des ambitieux qui dissimulaient difficilement leur l’aversion maladive de la proximité du leader du RDS avec le chef de l’Etat. Lequel ne faisait d’ailleurs pas mystère de l’affection filiale qu’il lui portait. Il fut maintenu en détention provisoire pendant 14 mois, avant qu’une détérioration de son état de santé nécessitât son évacuation sanitaire d’urgence à l’hôpital Royal Mouhamed V de Rabat, au Maroc, pour des soins intensifs.

SES PARTISANS, mobilisés dans son parti, le RDS, et dans JAMRA, montaient inlassablement au créneau pour prendre l’opinion à témoin, en démontrant, documents authentiques à l’appui – notamment l’accord de siège d’exonération douanière signé avec l’Etat, les protocoles «d’échanges», (et non de «vente», comme le soutenaient les comploteurs du Palais) de produits pharmaceutiques -, qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’actes de malveillance. Dans l’incapacité de produire la moindre preuve de ses accusations, le régime voulu se débarrasser de cette patate chaude en échafaudant divers scénarii de sortie de crise, comme la grâce présidentielle, l’amnistie, etc. Il n’en fallu pas plus pour que ses partisans, en accord avec le pool d’avocats – dirigé avec brio par Me Khassimou Touré – investissent à nouveau les médias, pour rejeter publiquement toutes formes de combines ou de compromissions. Ils n’exigeaient ni plus ni moins «que Latif Guèye soit jugé, et que la loi lui soit appliquée dans toute sa rigueur, comme pour n’importe quel autre justiciable, si sa culpabilité était établie».

LEUR DÉTERMINATION dans la bataille de communication s’avéra payante : les comploteurs du Palais, maîtres de l’intoxication, se rendirent à l’évidence que «leur» dossier était désespérément vide. Et Dame Justice trancha net, en disant strictement le Droit, au grand dam de ceux qui s’étaient juré de détruire politiquement Latif Guèye. Il n’y eu même pas de procès, Latif Guèye ayant tout bonnement été «blanchi» par la justice sénégalaise, en bénéficiant d’un non-lieu total.

C’EST DONC la tête haute que Latif Guèye reprit ses activités sociales, politiques et professionnelles. Candidat aux élections législatives de juin 2007, il est investi à la 15e place sur la liste nationale de la «Coalition Sopi». Après seulement cinq mois de mandature, le député Latif Guèye dépose sur la table du Président de l’Assemblée nationale une proposition de loi – qui fut d’ailleurs, des décennies durant, le principal cheval de bataille, de JAMRA – suggérant le renforcement des sanctions pénales contre le trafic de drogue. Dans son exposé des motifs, l’auteur de cette proposition de loi (la première de cette 11e législature) insista devant ses collègues députés sur le caractère cynique de ce business maudit qui, tout en enrichissant une minorité véreuse et sans scrupule, pousse moult toxicomanes, tenaillés et abasourdis par leur état de «manque», à des actes de violence sanguinaire, aux fins de se procurer leur «dose» ; cette «herbe qui tue» qui aura conduit nombre d’adolescents à la démence, tout en constituant la sève nourricière du grand banditisme.

LE DÉPUTÉ et vice-président de l’Assemblée nationale, Abdou Latif Guèye, expliqua comment les effets pervers de ce fléau des temps modernes constituaient une sérieuse menace pour la sécurité publique, tout en minant les fondements même du développement économique et social. Du haut du podium de l’Hémicycle, il démontra à ses collègues comment les réseaux de narcotrafiquants abrutissaient les jeunes, boostaient l’insécurité, détruisaient les ménages et déstabilisaient notre économie, en y recyclant leur argent sale. Avant d’assimiler légitiment ces sangsues à visages humains de «criminels». Et Latif Guèye de recueillir le soutien unanime de tous ses collègues députés de cette 11e législature, qui venaient, sans coup férir, d’adopter ce 30 novembre 2007, la loi 2007-31, qui portera le nom de son illustre initiateur.

LE SÉNAT devait, le 17 décembre de la même année, confirmer le choix de la première chambre, avant que le chef de l’Etat ne promulguât la «Loi Latif Guèye», qui venait ainsi criminaliser le trafic de drogue, dans sa plus large portée, incluant la culture, la production, la transformation, l’emballage, le transport et la vente, de ces produits de la mort. Les peines privatives de liberté furent revues à la hausse, et oscillent désormais entre 10 à 20 ans de réclusion, assorties d’une amende équivalant au triple de la valeur marchande de la drogue saisie. Nos honorables députés venaient assurément de rendre bonne justice à toutes ces veuves, ces orphelins, dont des êtres chers ont été arrachés à leur affection, victimes de névroses psychédéliques ou d’overdoses mortelles; à ces nombreuses familles en déliquescence ou disloquées, à l’actif de ces marchands de la mort sans scrupule, uniquement soucieux de leurs profits financiers égoïstes, au détriment de la santé publique.

LA «LOI LATIF GUÈYE» n’a jamais eu la prétention d’avoir totalement jugulé le fléau de la drogue, loin s’en faut. Mais peut légitimement se targuer de jouer un rôle éminemment dissuasif, en constituant en permanence une véritable Epée de Damoclès sur la tête des narcotrafiquants. Qui y regarderont désormais par deux fois avant de prendre le Sénégal pour cible ! Le plus important étant que le Parlement sénégalais venait enfin de se conformer aux recommandations pertinentes de la Conférence de Vienne, du 18 juin 1987, sous l’égide de l’Onu, préconisant l’harmonisation des législations anti-drogue des pays partageant les mêmes frontières ou le même espace économique. Le Sénégal aura, certes, traîné les pieds vingt durant, avant de daigner mettre sa législation anti-drogue à jour ! Mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais !

UN IMPLACABLE DESTIN voulut que le député Latif Guèye n’eut pas le loisir de célébrer le premier anniversaire de son mandat de député. Un tragique accident de la circulation, intervenue dans la nuit du 5 au 6 avril 2008, alors qu’il se rendait à Tambacounda à un événement religieux, devait abrégée sa vie, déjà bien riche en combats politiques et en réalisations sociales concrètes.

ABDOU LATIF GUÈYE aura laissé à la Postérité trois ouvrages, rédigés de main de maître : «Le Gueew», un système d’accueil et d’écoute pour la réhabilitation du Toxicomane (1982), «Le Tunnel de Lumière», une réflexion sur son épisode carcéral (2005) et «La Lumière du Tunnel» – renversement du titre précédant -, ou un programme de vie (2006). Il a été élevé à la dignité de Chevalier de l’Ordre National du Lion, après avoir été récipiendaire du Grand prix de l’Année Internationale de la Jeunesse, et Lauréat du prix «Compagnon de la Paix» de l’Association pour les Nations-Unies

NOTONS QUE celui qui assure présentement sa suppléance à la tête de l’Organisation islamique JAMRA, Imam Massamba Diop, a toujours en chantier un ouvrage-témoignage illustrant leur amitié et leur compagnonnage politique au Rnd de Cheikh Anta Diop. Lequel combat politique n’a jamais faibli, en se prolongeant à travers de batailles épiques contre les agressions de toutes sortes contre les nobles valeurs que nous ont généreusement léguées nos vaillants ancêtres, ainsi que les grandes figures religieuses qui reposent en terre sénégalaise; et pour la promotion des idéaux de paix et de justice sociale.

Mame Mactar Guèye,

Sg du RDS et Vice-Président

ONG Islamique JAMRA

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