Zone continentale Africaine et le nouvel Accord de Partenariat économique global régional d’Asie-Pacifique

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Le 15 novembre 2020, nous avons appris l’annonce faite par 15 pays de la région Asie-Pacifique relative à la signature de l’Accord de Partenariat économique global régional (Regional Comprehensive Economic Partnership – RCEP) après huit ans de négociations. Ce nouveau pacte commercial implique 10 pays membres de l’ASEAN (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) et les partenaires du bloc (Australie, Chine, Japon, République de Corée et Nouvelle-Zélande). Les membres du RCEP représentent environ 30% du produit intérieur brut (PIB) mondial et 30% de la population mondiale.

La naissance du RCEP ne manquera pas d’avoir un impact très important sur les échanges commerciaux et l’investissement dans les autres régions de la planète qu’elles soient développés ou non. Le Leadership africain et les acteurs des secteurs public ou privé de notre continent sont appelés à prêter une attention toute particulière à cette nouvelle donne dont l’impact sur leurs économie sera très important.

L’Afrique se doit d’anticiper les retombées du RCEP, quelles soient positives ou négatives sur leurs économies, en initiant des actions au niveau national et continental  afin de redéfinir ses relations futures avec les pays membres de ce nouveau géant économique. Nous sommes donc tous interpellés et nous devons nous interroger sur les possibles passerelles qui pourraient être établies entre le RCEP et la Nouvelle Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf) dans un esprit de coopération mutuellement bénéfique aux Etats de ces deux plus grands blocs économiques au monde.

Avant de répondre à cette importante question, rappelons tout d’abord que si tout se passe comme prévu, le mois de janvier 2021 verra le démarrage effectif de la mise en œuvre effective de la nouvelle ZLECAf, dont l’Accord portant création a été signé le 21 mars 2018 à Kigali au Rwanda par 44 pays, ratifié le 29 avril 2018 par 22 Etats africains et lancé officiellement le 7 juillet 2019 à Niamey au Niger lors du 12ème Sommet Extraordinaire de l’Union Africaine après sa signature par 54 Etats africains. Le premier Secrétaire Général de la ZLECAF a été nommé le 10 février 2020. Il s’agit du sud-africain Wamkele Keabetwe Mene qui aura la lourde tâche de lancer ce nouveau marché commun continental à partir de son siège qui est basé à Accra au Ghana.

Une avancée significative a été enregistrée le 17 août 2020 lorsque le Président du Ghana, NANA AKUFO-ADDO a procédé à la remise officielle des clés du siège du Secrétariat général de la ZLECAf à la Commission de l’Union Africaine (UA). La mise à disposition de ces locaux marque en effet une nouvelle étape dans la mise en œuvre de l’accord instituant cette zone de libre-échange qui devra faire de l’Afrique la plus grande zone de libre-échange au monde avec une population de 1,3 milliard d’habitants et un PIB de 3.000 milliards de dollars des Etats Unis.

Une fois totalement opérationnelle, la ZLECAf devra favoriser, entre autres, la circulation des capitaux et des personnes physiques et faciliter les investissements, promouvoir et réaliser le développement socio-économique inclusif et durable, renforcer la compétitivité des économies des pays africains et promouvoir le développement industriel à travers la diversification et le développement des chaînes de valeurs régionales, le développement de l’agriculture et la sécurité alimentaire.

L’opérationnalisation de la ZLECAF qui était prévue pour le 1er juillet 2020 a été repoussé au 1er janvier 2021 en raison de la pandémie du Covid-19 et du confinement imposé partout en Afrique. A la veille de cette importante échéance, il est regrettable de constater que les responsables de cette nouvelle institution n’ont pas encore réussi à s’entendre sur l’épineuse question des « règles d’origines » des produits, des règles qui permettront notamment de fixer les barrières tarifaires pour les produits étrangers. Or à ce jour, les négociations entre les Etats membres n’ont pas encore eu lieu. Cet écueil ne manquera pas d’avoir un  impact négatif sur le planning initialement prévu pour l’adoption des instruments juridiques et des outils nécessaires à la mise en route la ZLECAf. Il s’avère donc primordiale pour les responsables de cette institution panafricaine de faire aboutir ces négociations à leur terme le plus rapidement possible.

Un deuxième grand défi à relever par les pays africains et qui est sur la table du Secrétariat de la ZLECAf a trait au renforcement des chaines de valeur en vue d’industrialiser les économies du contient. Malheureusement, nous constatons qu’après 60 ans d’indépendance, la majorité des pays africains connaissent encore une sur-dépendance par rapport aux approvisionnements extérieurs, ce qui les place dans une position de très grande vulnérabilité face aux chocs extérieurs comme celui de la triple crise financière, énergétique et agricole des années 2008/2009 et la crise sanitaire actuelle causée par la pandémie du Coronavirus.

Face à ces défis, la crise sanitaire globale ,qui est loin de finir malheureusement, a permis aux Etats africains de prendre conscience qu’il faut très rapidement procéder à l’industrialisation  de leurs économies en établissant des chaines de valeur les mettant dans une trajectoire de production de valeur ajoutée. Il s’agit là d’un processus difficile qui nécessite beaucoup de temps et le déploiement de beaucoup d’énergie ainsi que la mobilisation d’énormes ressources financières internes et externes.

Pour revenir à la zone Asie-Pacifique et à l’adoption récente de l’Accord portant création du RCEP, rappelons qu’il s’agit là d’un nouvel instrument de coopération qui a pour objectif principal la création de la plus grande zone de libre-échange du monde, la mise en place de nombreuses nouvelles chaînes d’approvisionnement qui permettront la reprise économique régionale post COVID-19 et la construction de la Communauté économique de l’ASEAN 2025 pour qu’elle devienne un partenaire dynamique et fort qui œuvre pour la prospérité commune de ses Etats membres.

La prochaine étape dans la mise en œuvre de cet Accord consistera à le faire ratifier par les pays signataires, ce qui va jeter les bases d’une nouvelle période de coopération intégrale et à long terme et profiter à tous les pays de la région, contribuant à la reprise économique post-pandémique et apporter la prospérité aux personnes et aux entreprises de tous les pays membres.

ZLECAf – RCEP : Un Bi-Réacteur pour booster les relations économiques entre l’Asie et l’Afrique

Les nouvelles fort prometteuses qui nous sont parvenues de la région Asie-Pacifique offriront au continent africain d’énormes opportunités de coopération avec des pays qui connaissent une croissance économique soutenue et qu’il faudra saisir le plus rapidement possible en vue d’intensifier les relations qui existent déjà entre les deux parties. En effet, la réalité sur le terrain aujourd’hui montre que l’influence et la présence de l’Asie atteignent désormais toutes les régions du continent africain. Celles d’implantation traditionnelle (île Maurice, Afrique du Sud, pays côtiers de l’Afrique de l’Est, Afrique australe) constituent  toujours les lieux privilégiés, mais les pays jusque-là moins concernés (Afrique de l’Ouest et Afrique centrale,  enregistrent l’arrivée des produits, des capitaux et des hommes d’Asie.

De plus, la majorité des pays asiatiques entretiennent déjà des relations commerciales et d’investissement directes avec l’Afrique. A titre d’exemple, le Japon, qui fut longtemps le premier investisseur asiatique en Afrique, est devenu aussi le premier donateur asiatique (et deuxième donateur mondial) d’aide à l’Afrique, et ses relations commerciales avec l’Afrique connaissent un développement remarquable. L’Inde aussi, traditionnellement présent en Afrique par ses immigrés et leurs descendants, a repris pied en Afrique de l’Est et renoué des liens avec les Asiatiques d’Afrique du Sud. Pour sa part, la Chine est déjà engagée dans un développement de flux formels et informels d’hommes, de capitaux et surtout de biens de grande consommation. Ses entreprises décrochent de plus en plus de contrats financées par les bailleurs de fonds régionaux ou internationaux principalement dans le secteur des infrastructures (routes, lignes de chemins de fer, construction de barrages etc.).

S’agissant des flux financiers, les pays du Sud-Est asiatique investissent leurs capitaux  par le truchement de Singapour et de Hong Kong). Ceux de l’ASEAN (Association of  Southeast Asian Nations) ont pénétré l’Afrique et c’est même l’un d’entre eux, la Malaisie en l’occurrence, est devenu le deuxième investisseur étranger en Afrique du Sud. Quant au Vietnam, il est devenu un des principaux fournisseurs de riz de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Les relations tout azimut qu’entretient l’Afrique avec les pays de la zone Asie-Pacifique sont appelés à connaitre un développement fulgurant à l’avenir. La ZLECAf et le RCEP se doivent de conclure rapidement des « Memoranda of Understanding » afin de donner une nouvelle impulsion à leurs relations économique qui doivent donner la priorité absolue à l’industrialisation des économies africaines à travers la réalisation de ‘’Joint Ventures’’ ou co-investissements en vue de la création de la valeur ajoutée localement par la transformation sur place des matières premières qu’elles soient agricoles, minières ou autres et ne pas se limiter uniquement à l’achat de matières premières brutes ou l’exploitation de pierres précieuses, d’or d’ivoire, du bois tropical ou du poisson. Les pays asiatiques sont également appelés à contribuer à la diversification des économies africaines en réponse aux besoins énormes de sa jeunesse et de sa classe moyenne pour des produits tels que les « smart phones », les tablettes, les ordinateurs, les automobiles.

Les Etats africains et leurs Communautés économiques régionales qui sont chapeautées par l’Union Africaine et fortement appuyées par la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (UN-ECA) et l’appui financier de leur première institution financière panafricaine, la Banque africaine de développement, ont un rôle majeur à jouer pour la transformation économique du continent avec le concours des partenaires stratégiques de toutes les régions du monde. Ils se doivent de réfléchir individuellement et collectivement,  à l’élaboration de nouvelles stratégies de développement qui accordent la priorité absolue à l’intégration économique régionale, à la suppression des entravent qui empêchent leur développement socio-économique harmonieux dans la paix et la sécurité, deux prérequis à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) 2015-2030 adoptés par la communauté internationale lors de l’Assemblée générale des Nations-Unies le 25 septembre 2015 et entrés en vigueur le 1er janvier 2016.

Compte tenu de ses énormes besoins d’investissement dans le secteur des infrastructures et les ressources financières nécessaires à l’atteinte des ODD, le continent aura besoin d’ériger le Bi-Réacteur ZLECAf et le RCEP en un Quadri-Réacteur incluant l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Améeique

Mohamed H’Midouche, vice-Président exécutif de l’Académie diplomatique africaine (ADA), ancien représentant résident de la BAD au Sénégal et en Egypte.

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