Grands projets de l’Etat

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Le cours d’eau qui sépare notre pays de la République Islamique de Mauritanie permet à une partie de la jeunesse matamoise d’y mener des activités rémunératrices avec la traversée régulière par pirogues entre les deux rives. En dehors de cette activité, cette jeunesse est confrontée au chômage. La commune de Matam souffre également d’un réel problème d’infrastructures routières et d’assainissement.

Frontalière à l’Est avec la Mauritanie, Matam est séparée de la République Islamique (Réwo) par le fleuve Sénégal. Ce cours d’eau et ailleurs furent le théâtre des évènements tragiques entre les deux pays en 1989 et au cours desquels beaucoup de pertes en vie humaine avaient été recensées des deux côtés. Aujourd’hui les populations de Matam et Réwo (Mauritanie) entretiennent d’excellentes relations de bon voisinage. Les « Réwonabés » empruntent les pirogues sénégalaises pour se rendre à Matam. Chaque jour et à un rythme régulier, des hommes et femmes quittent la Mauritanie pour s’approvisionner au marché de Matam. Il en est de même pour les habitants de Matam qui se ravitaillent auprès des boutiquiers mauritaniens. Ce qui fait de la commune de Matam et surtout le fleuve, une zone de commerce bien animée.

Traversée du fleuve

Comme chaque fin de journée, une forte présence humaine est notée sur les deux rives du fleuve que les deux pays ont en partage. Les femmes viennent faire leur linge. Des pirogues sont arrimées des deux côtes du fleuve, chaque piroguier attend son tour pour faire traverser les clients à Réwo. Assis sur sa barque, Alpha Guèye, juste sur ses 18 ans, fait partie de ces exploitants qui font la navette en les deux rives. « On s’active autour du fleuve en transportant les clients de Réwo à Matam et vice versa. Le client doit débourser 100 FCFA. Mais quand le fleuve déborde, le tarif est doublé. On rentre en fin de journée avec dix mille francs. Dieu merci, on s’en sort très bien» a laissé entendre le jeune homme. Qui soutient également que ce métier n’est pas facile dès lors qu’il requiert de gros efforts physiques. Ce lieu de commerce accueille très souvent des rencontres culturelles bien suivies et qui donnent à ce bras de mer de belles couleurs.

Les « Soubalbés », une ethnie des Hal Pular, y organisent très souvent des « deenté laadés » (course de pirogues). Au niveau de la culture, Matam est riche d’une diversité culturelle et artistique ancrée dans les traditions multiséculaires. Il existe un patrimoine culturel aux fondements très enrichis du métissage de conquêtes et de migrations anciennes. Les traditions ancestrales et le savoir- faire sont encore bien conservés de génération en génération et constituent un levier du développement de la région.

Matam, ville Hal Pular, dépourvue d’infrastructures

Matam, ville Hal Pular, est cependant dépourvue d’infrastructures. Aucune présence d’unités industrielles. Ce qui fait que sa jeunesse souffre d’un chômage endémique. La population de Matam n’a toujours pas sa part du fonds à l’entreprenariat « rapide »(DER). Faute d’emplois dans une zone où il n’existe pratiquement pas d’industries, plus de 70 % des jeunes se tournent dans la conduite de motos Jakarta. Au rond-point Angle Moustapha Fadel, juste à l’entrée de la ville, un groupe de jeunes à califourchon sur leurs motos se forme. Ces jeunes gens attendent des clients qu’ils achemineront vers différents endroits de la ville. « Cela fait trois ans que j’exerce ce métier. Comme nous n’avons pas d’autres activités nous permettant de gagner notre vie, on se contente de celle-ci, en espérant mieux. Dieu merci, on s’en sort très bien. On peut gagner 6.000 à 7.000 FCFA par jour. Chaque moto s’acquitte d’une taxe mensuelle de 3.000 FCFA au niveau de la mairie. Malheureusement, la mairie ne fait rien pour la jeunesse» explique le jeune Yaya Thioub, cherchant du regard d’éventuels clients.

La jeunesse oubliée des programmes de l’Etat

Frustrés de voir leur commune toujours oubliée , les jeunes ont créé une plateforme appelée « Yaakarée Matam ». Ceci pour exiger de l’Etat une considération vis-à-vis de leur commune. Cette plateforme regroupe des fils de Matam et des émigrés. En novembre dernier, « Yaakarée Matam » avait organisé une grande marche de protestation pour réclamer le démarrage des projets d’assainissement appelés promo-villes et qui tardent encore à se matérialiser dans cette 11ème région du Sénégal.

La construction de l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (Isep) constitue également une préoccupation pour les jeunes de la commune de Matam. Un mois après leur marche de protestation sans pour autant que leurs revendications soient satisfaites, ces jeunes avaient voulu reprendre la manifestation. Mais cette fois-ci, c’était sans compter avec la présence de la police qui a dispersé la marche à coup de grenades lacrymogènes. Mais si certaines régions du pays ont pu bénéficier des grands projets de l’Etat avec notamment les programmes promo-villes et d’assainissement, ce n’est pas encore le cas pour Matam. Les routes y sont toujours cahoteuses, des chantiers qui durent  et qui peinent à s’achever, les travaux étant à l’arrêt. Ce qui rend certaines parties de la ville difficiles d’accès.

Conséquences, la commune de Matam souffre de problème d’infrastructures routières. Le maire – député est incapable de plaider pour les intérêts de ses administrés. Son inaccessibilité fait aussi que certains Matamois le présentent comme un dictateur. « Nous avons un maire qui ne s’intéresse qu’à ses intérêts crypto-personnels. C’est un grand dictateur. Les jeunes sont en chômage, le maire ne fait rien pour les appuyer. Les terrains sont répartis de façon illégale. Le maire Mamadou Mory Diaw n’offre de terrains qu’a ses militants. Nous avons également un maire complexé, qui est toujours derrière le député Farba Ngom. Il n’est pas capable de défendre les intérêts de sa commune à l’Assemblée nationale » s’est désolé un habitant de la commune Matam.

Riche en ressources culturelles

Et pourtant, il suffit d’une dose d’ingéniosité pour développer cette région. En effet, la région de Matam est réputée pour l’habileté de ses artisans qui ont su garder vivantes des pratiques très anciennes. L’artisanat y est organisé en castes. Chaque caste a ses traditions spécifiques. On peut citer les Saké (cordonniers), les Wayilbé (forgerons et bijoutiers), les Laobé (boisseliers, sculpteurs sur bois), les Mabobé (tisserands, potiers), les Coubalbé (pêcheurs), les Wambabé (Griots). La particularité de la région réside dans la spécialisation de villages à des produits artisanaux transmis par générations. Ainsi le village de Ogo est spécialisé dans la sculpture et la forge, celui de Bokidiawé dans la teinture, Ndenthiadi est spécialisé dans la bijouterie, Wassakodé Mbayala s’adonne à la poterie, Mboloyel est un village de tisserands et Sinthiou Mogo un village de cordonniers. Matam renferme également des sites historiques et un riche patrimoine colonial.

Parmi les sites et monuments historiques, il y a la grande mosquée de Kobilo qui date du 17ème siècle avec son architecture Omarienne, la mosquée de Séno Palel, le Mausolée de Abdel Kader Kane, le Mausolée de Cheikh Moussa Kamara à Ganguel, la résidence d’El Hadji Omar Tall à Oréfondé, la résidence de Diorbivol, le village ancien de Sinthiou Bara, le village ancien de Ogo, le champ de bataille de Diowol dans la CR de Bokidiawé, la bibliothèque de Cheikh Moussa Kamara à Ganguel Soulé, le bâtiment abritant la Gouvernance et le bâtiment abritant l’école 1 de Matam.

Ces richesses culturelles sont valorisées par l’organisation du festival de Thilogne qui se tient tous les deux ans et celui de Gnegnebé qui regroupe tous les villages castés dont chacun se particularise par ses productions artistiques.

Ainsi au plan culturel, la région présente un potentiel pour doper le tourisme culturel surtout avec l’avènement du syndicat d’initiative et de tourisme de Matam. Autant de trésors qui peuvent sortir cette région de sa situation de terre pauvre.

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