Dakar-Tambacounda

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Si le train renait sur cet axe, beaucoup de camions maliens pourraient ne  plus avoir besoin de venir jusqu’à Dakar, dégradant sur leur passage, la route.

Inaugurée en 1924, la voie coloniale qui filait entre Dakar et Bamako a décliné lentement, faute d’entretien. Deux chantiers ont été lancés, côté sénégalais, pour la réhabiliter.

Assise à l’ombre devant son restaurant, Dior Amar trompe l’ennui en regardant d’un œil nostalgique les rails déserts. Fut un temps, voyageurs et commerçants s’arrêtaient manger du thiep, du thiéré ou des sandwichs au poulet dans son échoppe idéalement placée à côté de la gare de Tambacounda, dans l’est du Sénégal. « Toute l’économie de la ville tournait autour du train, grommelle la restauratrice installée depuis trente-cinq ans. Mais depuis son arrêt en 2018, je suis en faillite, je n’ai presque plus de clients. »

Inaugurée en 1924, la voie coloniale qui filait entre Dakar et Bamako a décliné lentement, faute d’entretien. Privatisée en 2003, reprise en main par les autorités du Sénégal et du Mali avec la création de la structure bi-étatique Dakar Bamako Ferroviaire en 2016, la ligne pourrait finalement reprendre du service dans les mois à venir si les projets lancés côté sénégalais aboutissent.

Kibily Touré, directeur général de la nouvelle société nationale des Chemins de fer du Sénégal, veut y croire. Pour assurer une circulation minimum sur l’ancienne ligne, un projet de réhabilitation de 20 milliards de francs CFA (30,5 millions d’euros) est en cours de déploiement. Objectif : permettre aux trains de rouler deux fois par jour entre Dakar et Tambacounda à partir de décembre. « Nous avons déjà reconstruit le pont de Touba Zam-Zam, qui était le plus gros ouvrage à réhabiliter », se félicite Kibily Touré. Et six nouvelles locomotives devraient être bientôt disponibles.

« Un enjeu de cohésion nationale »

Il y a urgence à décongestionner la capitale sénégalaise, alors que 3 à 4 millions de tonnes de marchandises circulent par camions entre le Mali et le port autonome de Dakar chaque année. « Il y a également un enjeu de cohésion nationale, car c’est un facteur de désenclavement, d’aménagement du territoire et d’opportunités économiques avec la sous-région », précise Kibily Touré.

Mais l’optimisme du responsable quant à l’avancée du projet est loin de faire l’unanimité. « C’est un gros chantier, car les infrastructures sont à l’arrêt depuis trois ans. Des efforts doivent être faits dès maintenant si on veut respecter les délais », prévient Mambaye Tounkara, secrétaire général du syndicat Sutrail. Plus sceptiques, certains soulignent que plus de deux ans après son inauguration, le train express régional censé relier la gare centrale de Dakar et la nouvelle ville de Diamniadio, puis dans un second temps le nouvel aéroport Blaise-Diagne, ne roule toujours pas.

A Tambacounda, on attend plus qu’on espère. Quelques employés habitent et travaillent encore dans les vieux bâtiments des chemins de fer datant de l’époque coloniale. Seydou Keïta, 43 ans, est agent d’entretien et de réparation de la voie ferrée. Même si l’activité est pratiquement à l’arrêt, il se rend tous les jours au bureau.

« Nous nous déplaçons aussi sur le terrain pour surveiller les infrastructures. Mais nous gagnons moins d’argent car nous ne bénéficions plus des heures supplémentaires ou des week-ends qui nous permettaient d’arrondir les fins de mois », regrette le cheminot, qui explique dépenser une grande partie de son salaire dans l’achat de carburant pour faire quotidiennement le trajet de 30 km qui sépare son village des locaux.

Vers un hub logistique sous-régional

Plus largement, c’est toute la chaîne logistique qui a été bouleversée par la déliquescence du train. Faute de fret, la route entre Dakar et la frontière malienne est aujourd’hui encombrée par 300 à 400 camions qui quittent chaque jour le port sénégalais pour rallier les autres pays de la sous-région. Un flux routier beaucoup trop dense pour les infrastructures actuelles, souligne Modou Kayéré, coordinateur national de l’Union des conducteurs de l’Afrique de l’Ouest. « Ce trafic occasionne la dégradation rapide des routes et de nombreux accidents », constate le syndicaliste.

 

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