Sénégal : Les chiffres inquiétants de l’évolution de l’inflation publiés par le BPE

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Dans sa 5e « Note stratégique », publiée le 1er septembre 2022, le Bureau de prospective économique (BPE) dirigé par l’économiste sénégalais Moubarack Lo, dresse un tableau très flippant de l’évolution de l’inflation au Sénégal, ces deux dernières années. Citant l’ANSD, le BPE affirme que le renchérissement des produits alimentaires, qui représentent 50% du panier de consommation du ménage-type, contribue, selon le mois, à hauteur de 77% à 82% du niveau d’inflation dans la période de janvier à juillet 2022. De fait, la hausse des prix des produits alimentaires s’accélère depuis mai 2021 (1,6% ce mois-là), atteignant 5,4% en décembre 2021, 10,6% en février 2022 et 17,2% en juillet 2022.

Ainsi, « l’inflation sous-jacente, qui représente l’évolution de l’indice général des prix calculé hors produits frais et produits énergétiques, suit la même dynamique haussière depuis août 2021. Le taux d’inflation sous-jacente s’est ainsi situé à 7,2% en juillet 2022, contre 5,4% en février 2022, 4,3% en novembre 2021 et 3% en août 2021 », souligne le rapport du BPE.

La forte dépendance aux produits importés et l’ancrage du CFA à l’Euro qui chute

Selon la note du Bureau de prospective économique (BPE), les biens importés représentent, de manière directe, près du tiers du panier de consommation au Sénégal, Et indirectement, ils génèrent une hausse des prix des biens locaux, du fait de la transmission des coûts subis dans l’achat d’intrants ou de biens intermédiaires dans les prix des produits transformés. Ce qui fait qu’en définitive, « l’inflation importée peut expliquer (hors taux de change) près de 40% de l’inflation constatée dans le pays, si la répercussion des hausses des prix extérieurs se fait convenablement ».

Ce renchérissement des produits importés s’explique, selon le BPE, par la crise en Ukraine ainsi que par les sanctions économiques imposées à la Russie, qui ont provoqué une perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et une pénurie de produits essentiels tels que le pétrole, le gaz et les céréales importés d’Ukraine et de Russie. En effet, la BCEAO indique que les prix des produits alimentaires importés par les pays de l’UEMOA, exprimés en Francs CFA, se sont accrus de 46,2% en mai 2022, comparés à la même période de l’année 2021, après un accroissement de 30,6% le mois précédent, tirés par la hausse des prix du blé (+77,2%), des huiles (+54,0%), du riz (+35,9%) et du sucre (+28,5%). Or, plus de 70 pour cent du riz et tout le blé consommé au Sénégal sont importés, dont 64 pour cent de Russie et d’Ukraine pour ce qui concerne le blé. La situation au Mali (qui a subi des sanctions de l’UEMOA et de la CEDEAO) et en Guinée ont également impacté les prix de la viande et de certains fruits (banane).

Mais il y a également l’handicap monétaire matérialisé par la chute vertigineuse de l’Euro par rapport au Dollar américain. « La dynamique de dépréciation du taux de change de l’Euro (et donc du Franc CFA) vis-à-vis du dollar ajoute des pressions supplémentaires. Entre le 1er septembre 2021 et le 1er septembre 2022, l’euro a perdu 16,1% de sa valeur par rapport au dollar. Cet affaiblissement de l’euro s’explique, selon la BCEAO (note de conjoncture, juillet 2022), par l’écart d’orientation de politique monétaire entre la Banque Centrale Européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (FED), et par les craintes d’une récession économique en Europe, dans un contexte de forte inflation et d’incertitude croissante quant à la continuité des approvisionnements en gaz russe », note le rapport du BPE.

La cupidité des commerçants, facteur essentiel de l’inflation locale

Au niveau intérieur, mis à part  les chocs sur la production agricole (contre-performance du bilan céréalier de la campagne 2021/2022, au Sénégal, avec une production en baisse de 4,4% du fait d’un arrêt précoce de la pluviométrie), et la politique budgétaire expansive (un choc de demande provoqué par la politique volontariste de l’Etat sénégalais, qui a laissé filer le déficit budgétaire, pour favoriser une relance rapide de l’économie, à la suite de la Covid-19, et soutenir le pouvoir d’achat des ménages, à travers des subventions et des abandons de taxes; des mesures supplémentaires ont été prises pour augmenter les rémunérations et la masse salariale de l’Etat -recrutement de jeunes-, ainsi que pour faire des transferts monétaires d’urgence aux ménages, favorisant ainsi une hausse de la demande globale), le « comportement de marge des opérateurs économiques » a été désigné par le rapport du BPE comme un déterminant essentiel de l’inflation au Sénégal.

« Un déterminant essentiel de l’inflation vécue au Sénégal pourrait être la politique de marges élevées pratiquée par certaines entreprises et distributeurs qui utilisent la situation floue actuelle, favorable à l’ancrage des anticipations inflationnistes à un haut niveau, pour augmenter les prix au-delà du niveau justifié par la hausse de leurs coûts », souligne le rapport.

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