L’Afrique en Arts…

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Simon Njami : “L’Afrique doit créer son propre marché de l’art”
L’Afrique est à l’honneur ce printemps à Paris, à travers une série de manifestations artistiques. Commissaire d’expositions et critique d’art, Simon Njami revient sur les enjeux liés à la scène contemporaine africaine.

Afriques Capitales ou les métropoles du continent noir racontées à la Grande Halle de La Villette, du 29 mars au 28 mai. L’exposition, qui réunit près de cinquante artistes, s’inscrit dans le cadre d’un festival qu’organise l’institution en l’honneur de la création contemporaine africaine. Une scène d’où ont émergé depuis une vingtaine d’années plusieurs artistes parmi les plus en vue au monde. Après avoir été le curateur d’Africa Remix et de plusieurs autres expositions mémorables, Simon Njami dirige aujourd’hui l’exposition

Afriques Capitales. Cofondateur de Revue noire, magazine sur l’art africain aujourd’hui arrêté, il analyse les évolutions de la scène plastique africaine et plaide pour la création d’un marché de l’art propre à l’Afrique.

Que traduisent toutes ces manifestations mettant actuellement la création artistique contemporaine africaine à l’honneur ? Beaucoup considèrent cela comme un hommage de la France à l’Afrique. Pour moi, c’est un trompe-l’œil. Car il est assez difficile de ne pas y percevoir une sorte d’autocélébration de ceux qui ont le sentiment d’avoir découvert quelque chose. Tout ceci mêlé d’un soupçon de paternalisme. Il s’agit d’un « complexe de la découverte » et, peut-être, d’un effet de mode alors que la création contemporaine africaine ne date pas d’hier.

“Le propos de cette manifestation est précisément l’anti-hommage”.

L’exposition Afriques Capitales, dont vous assurez le commissariat à La Villette, rentre-t-elle donc aussi dans cette logique ?

Le propos de cette manifestation est précisément l’anti-hommage. Il se trouve que les artistes exposés ont un lien étroit avec l’Afrique. Mais cela ne suffit pas à les définir. Il n’y a aucune offre d’exotisme. Ce sont avant tout des créateurs qui essaient de partager leur vision du monde. Ils proposent une rencontre et un dialogue au public, ils l’invitent à regarder ce qu’il a en face de lui. Ce n’est pas une exposition sur l’Afrique mais plutôt avec des Africains. En cela, elle est assez différente d’Africa Remix, qui était surtout la démonstration d’un total ras-le-bol par rapport aux clichés d’une Afrique sauvage et forcément exotique.

Comment se porte aujourd’hui la scène plastique contemporaine africaine ?

Elle est vivante. Depuis plusieurs années, des artistes se sont révélés et imposés parmi les plus grands. Une jeune génération de plasticiens anime la scène aux quatre coins du continent. Des centres d’art se créent un peu partout et font un gros travail de vulgarisation et d’éducation. On assiste aussi à l’émergence d’une vague de brillants curateurs issus d’Afrique. Le débat sur l’art contemporain devient de plus en plus endogène : les Africains se racontent eux-mêmes, et affirment une dynamique. Certes un véritable marché de l’art est encore à créer, et certains Africains fortunés préfèrent encore aller acheter des châteaux en Espagne plutôt que d’acheter des œuvres d’art. Mais les choses évoluent progressivement.

Les thèmes abordés sont souvent politiques, provocateurs ou en lien avec l’actualité. Est-ce la seule manière de se faire connaître pour un artiste ?

Je vois surtout beaucoup de poésie dans ces œuvres. Toute œuvre bêtement politique est fatigante. Mais l’artiste est un citoyen comme les autres, et en Afrique plus encore qu’ailleurs. Un créateur contemporain est quelqu’un qui travaille avec ce qu’il y a autour de lui et qui témoigne de son temps. Or nous vivons des temps troublés,  déraisonnables  comme disait Aragon. Cela influence forcément le travail du plasticien.

Qui sont les stars de cette scène ?

C’est une question que l’on est en droit de se poser. Mais que signifie être une star ? Est-ce celui dont le travail est reconnu par la critique ou celui qui expose le plus ? Dans les deux cas, il existe une multitude de talents et il y a des artistes qu’un commissaire ne peut ne pas intégrer dans un projet, sauf à être un abruti ou un négrophobe. Maintenant s’il s’agit de savoir quel plasticien bénéficie d’un grand pouvoir économique, la liste est facile à établir : l’Ethiopienne Julie Mehretu, le Nigérian Yinka Shonibare, le Ghanéen El Anatsui, le Marocain Hassan Hajjaj, les plasticiens algériens Kader Attia, Adel Abdessemed,

et des Sud-Africains comme William Kentridge ou Marlène Dumas. Ils font partie des artistes africains les plus cotés sur le marché international de l’art.

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