Alstom ne connaît plus la crise

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Neuf mois après avoir menacé de fermer son usine de Belfort, le fabricant du TGV se porte mieux que bien. Le groupe a cartonné à l’international mais peut aussi dire merci à la commande publique. Les affaires roulent pour Alstom. Neuf mois à peine après avoir menacé de fermer son usine de motrices TGV de Belfort faute de commandes suffisantes de la part de la SNCF, le fabricant français de matériel ferroviaire a annoncé ce jeudi des résultats financiers canon pour son dernier exercice annuel 2016/2017 clos le 31 mars. Sur cette période, le groupe a engrangé pour 10 milliards d’euros de commandes, portant son carnet à «un record» de 34,8 milliards d’euros, et engrangé 289 millions d’euros de profits, sur un chiffre d’affaires de 7,3 milliards en hausse de 6%. «Les comptes sont bons, c’est le résultat de la réussite de notre stratégie opérationnelle sur des marchés solides. Notre métier, celui de la mobilité, est tiré par la croissance mondiale des villes qui ont une forte demande de transports publics ferroviaire», a tranquillement déroulé le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, lors d’une conférence de presse au siège de l’entreprise à Saint-Ouen. Pas vraiment une surprise pour les observateurs attentifs car en novembre déjà, le groupe avait vanté des «résultats excellents», à mi-parcours de son exercice, sans craindre un certain hiatus en termes de communication publique. Car en septembre dernier, c’était une toute autre histoire quand le même Poupart-Lafarge annonçait avec une mine d’enterrement que «confrontée à la baisse des commandes» en France, son entreprise «se devait d’adapter son outil industriel» et de quitter Belfort «pour ne pas mettre l’ensemble des sites en danger». Une manière de tordre le bras à l’Etat et à la SNCF pour obtenir des commandes à même de relancer les chaînes de l’usine historique du TGV. Bingo. Devant la mobilisation des 450 salariés qui risquaient de perdre leur emploi et pour éteindre un incendie social potentiel à quelques mois des présidentielles, le gouvernement avait sorti le grand jeu : 15 rames TGV Euroduplex commandées pour les lignes LGV desservant Bordeaux et Montpellier, 6 rames supplémentaires pour le Paris-Lyon-Turin, 20 locomotives diesel… le tout pour près de 700 millions d’euros.

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Carton plein à l’international

Bien joué, même si finalement seules les 15 rames TGV pour la nouvelle ligne Océane Sud-Ouest ont été fermement commandées par la SNCF. «A 30 millions d’euros la bête, cette commande ne représente qu’un montant d’environ 450 millions et, à ce jour, nous n’avons pas de nouvelles pour les 6 autres rames TGV et les locomotives», a relativisé le patron d’Alstom, qui s’est toujours défendu d’avoir joué le chantage à l’emploi. Manière de dire que les bonnes performances de son groupe ne doivent pas grand chose au soutien de l’Etat et au marché français. Ce qui n’est pas faux quand on rapporte ce montant aux 10 milliards de commandes engrangées par le groupe sur l’exercice. En la matière, le gros morceau est venu des Etats-Unis avec la signature du fameux contrat Amtrak pour 1,8 milliard d’euros : 28 trains à grande vitesse achetés par la compagnie ferroviaire américaine pour desservir la ligne Washington-Boston. Alstom a aussi vendu des métros à Dubaï pour l’expo 2020 et des trains Pendolino en Italie et des trains régionaux au Pays-Bas et en Allemagne. Secret de cette réussite ? «Nous offrons des solutions ferroviaires innovantes et clé en main en allant au plus près du client», a expliqué le PDG. Comprenez, en localisant la production du matériel dans le pays qui l’a acheté, comme en Afrique du Sud où une usine est sortie de terre pour fabriquer les trains locaux. Pas de bon augure pour les douze sites d’Alstom en France ? Heureusement, la France est encore un gros pays de trains. Alstom, en partenariat avec Bombardier, a ainsi décroché en début d’année le méga-contrat du RER de nouvelle génération en Ile-de-France : soit 255 rames pour un montant total potentiel de 3,7 milliards d’euros ! Tout bénef pour Alstom et les usagers des vieux RER D et E, complètement à bout de souffle. Mais attention, pour l’heure, «nous n’avons eu notification que de la première tranche de 71 trains pour un montant de 780 millions d’euros», a précisé Henri Poupart-Lafarge.


Petit cadeau aux actionnaires

Au bout du compte, deux ans après la vente en rase campagne de sa branche Energie à l’américain GE (avalisée à l’époque par un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie), le nouvel Alstom recentré sur les trains, tramways, métros et autres matériels de signalisation ferroviaire, est donc sur les rails. «Depuis 2012 [année de grand marasme qui a précédé le découpage de l’ancien Alstom, ndlr], notre chiffre d’affaires a bondi de 40%, notre résultat opérationnel a été multiplé par deux avec 5,8% de marge, la dette est stable et nous avons constitué pour 3,7 milliards d’euros de fonds propres. Bref, l’entreprise est saine», s’est félicité l’ancien directeur financier Poupart-Lafarge, des euros plein les yeux. Les 32 000 salariés d’Alstom (dont un peu moins de 9 000 en France) seront contents de l’apprendre. Mais ce sont surtout les actionnaires qui vont être heureux: pour la première fois depuis quatre ans, Alstom va leur distribuer un dividende de 25 centimes par action. Un apéritif pour Bouygues, qui a«prêté» sa part de 28% dans le capital d’Alstom à l’Etat, mais veut revendre le tout quand ce pacte sera dénoué cet automne.

Poupart-Lafarge, lui, sent Alstom suffisamment fort pour continuer sa route en solo et pourquoi pas, faire une acquisition si l’opportunité se présente. Mais attention, une opération raisonnable : «avec dix constructeurs en Europe ça risque d’être compliqué de faire un Airbus du ferroviaire», a-t-il prévenu. Le boss d’Alstom attend en revanche beaucoup du futur gouvernement entreprise-friendly qui devrait sortir des urnes : «La France a besoin d’une vraie politique ferroviaire pour le futur et considérer les investissements qui vont avec.» Manière d’appeler déjà à de nouvelles commandes publiques, alors qu’Alstom et la SNCF sont en train de plancher sur leur «TGV du futur». Un beau train, bourré de techno et plus économe en énergie, qui n’existe encore que sur le papier mais roulera sur les lignes SNCF «pour les 30 ou 40 années à venir». Enfin, à condition que la dette du rail français (45 milliards d’euros) soit un tant soit peu soldée.

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