Appel à Khalifa

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La brèche ouverte par le Parti socialiste à Khalifa Sall et compagnie peut prêter tout simplement à rire. Une décision bizarre dans tout le sens du terme, mais une décision tout de même qui mérite d’être analysée. Au moment où l’on parle de possibilité d’amnistie pour l’ancien maire de Dakar, cette sortie du PS est loin d’être anodine ; elle est très bien calculée.

Dans ce contexte de dialogue national lancé par le président Macky Sall, les noms de Khalifa Sall et Karim Wade sont toujours agités pour ce qu’ils représentent dans la sphère politique. A part le fichier électoral, objet de toutes les sorties post-électorales de l’opposition active, les cas Karim et Khalifa ont demeuré des préalables non négligeables pour la tenue de ce dialogue hautement politique. Et pour terminer en beauté son mandat de 5 ans qu’il entame après sa prestation de serment, avril prochain, le président Macky Sall devra relever le pari de la cohésion et de la conciliation nationale surtout en matière politique. A moins de vouloir se voiler la face, le constat est que la classe politique n’a jamais été aussi divisée à cause des emprisonnements d’opposants répétitifs et parfois sous la base de fallacieuses accusations.

Réintégrer Khalifa Sall après l’avoir combattu, exclu et diabolisé est simplement tragi-comique

C’est donc sentant que le vent tourne en faveur d’une libération de Khalifa Sall que le parti socialiste prend les devants pour nous sortir ce numéro de réintégration du parti. L’ancien chargé de la vie politique du PS et non moins maire de Dakar, nul besoin de le rappeler, a été voué aux gémonies par son propre parti à travers des sorties malencontreuses des porte-paroles qui le chargeaient toujours. Même le secrétaire général du PS Ousmane Tanor Dieng n’avait jamais élevé la voix pour s’offusquer de son arrestation ou s’en émouvoir préférant se cacher derrière la justice. L’histoire retiendra tout de même qu’en un moment de la vie politique du PS, Khalifa Sall a été l’agneau du sacrifice et les intérêts du parti hypothéqués au détriment des ambitions personnelles de ses propres dirigeants. Il suffisait pour Tanor et ses militants de s’opposer à son arrestation pour que Macky Sall étudiât la question avec beaucoup plus de délicatesse. Mais les avantages du pouvoir répartis entre le HCCT, le quota des postes ministériels et des députés, sont difficilement résistibles.

Déclarer aujourd’hui que Khalifa Sall a carte blanche de réintégrer le PS est tout à fait marrant et ridicule. Comment rouvrir les portes à quelqu’un qu’on a banni comme un chien enragé et dont on a terni l’image sans scrupules ? Quelqu’un dont on a participé au projet de diabolisation, de liquidation et d’inhumation politiques? Voilà pourquoi ce jeu du PS relève d’une pure tragi-comédie que même le président poète, son fondateur, n’aurait appréciée du fait de l’amateurisme qui la caractérise. Troquer le futur d’un parti aussi historique que le PS contre le présent de quelques ténors, s’appellent-ils Tanor, est le comble du ridicule. En vérité, la mise en quarantaine de Khalifa Sall qui était prédestiné à la tête du parti après l’actuel secrétaire général (depuis 2012) a signé l’arrêt de mort de la formation socialiste. C’était un choix à faire, un choix qui devait conduire à l’absence d’un candidat PS à la présidentielle passée, et le bureau politique du parti l’a pris. Comme il avait pris d’ailleurs la décision insensée d’ester en justice le maire de la Médina Bamba Fall avant d’exclure ceux qu’il considérait comme des aventuriers.

De son arrestation à sa condamnation, en passant par tous les étapes de son procès marathon, le parti socialiste n’a jamais exprimé sa solidarité encore moins sa compassion à Khalifa Sall. Pire encore, des voix autorisées, les porte-parole notamment, allèrent parfois jusqu’à tirer sans scrupules sur leur ancien camarade. Il n’y a pas une semaine d’ailleurs, des jeunes socialistes sont sortis pour dire leur désaccord sur toute possibilité d’amnistie pour l’ancien maire arguant que son emprisonnement est absolument juste. Ces petits maures, comme d’aucuns diraient chez nous, n’ont fait que répéter ce qu’ils ont entendu sous la tente.

Défis majeurs : remplacement de Tanor et reconquête des militants

A l’heure actuelle, le Parti Socialiste est surtout secoué par deux questions majeures dont la résolution n’est pas du tout simple. D’abord pour ce qui est de la succession d’Ousmane Tanor Dieng, il est à noter qu’à part Khalifa Sall personne n’a les coudées franches pour porter le parti. Les responsables qui composent le secrétariat général et le bureau politique n’ont pas une représentativité à l’échelle nationale à l’image de l’ancien maire dont la popularité dépasse quand même les frontières. L’appel donc lancé à Khalifa et ses souteneurs, qui sont pour la plupart des maires de grandes communes et des leaders choyés, suit cette logique de « gap-filling » comme diraient les Anglais. Mais la tâche ne sera point un long fleuve tranquille quoique Khalifa et les « khalifistes » se réclament toujours du PS. L’acharnement dans ce que l’on peut considérer comme une fratricide a été teinté de trahison et de traitrise de la part de ses propres frères socialistes. Et pourtant il faut nécessairement trouver cet homme ou cette femme qui soit en mesure de succéder à Ousmane Tanor Dieng pour deux raisons : la limite de l’âge plafond pour être candidat que le leader du PS atteindra avant 2024 et la nécessité d’une alternance à la tête du parti après que le score à l’élection ne cesse de dégringoler entre 2007 et 2012.

Pour reconquérir l’électorat et les partisans, les socialistes savent qu’ils ont besoin de renouveler leur parti avec des personnes de valeur aussi bien sur le plan politique que sur le plan moral. Ces personnes de valeurs qui n’ont cédé à aucune compromission sont essentiellement regroupées dans le « PS des valeurs » théorisé par les partisans de Khalifa Sall. Ils ont su occuper le vide que Tanor a volontairement créé lors de l’élection présidentielle passée avec leur participation au côté d’Idrissa Seck. Même si leur coalition n’a pas gagné, les partisans de Khalifa Sall auront le mérite de s’être affichés auprès du peuple, de leurs bases respectives, de reconquérir des indécis, car se rendant compte que la nature a horreur du vide. En faisant campagne pour Idrissa Seck, les maires et militants « khalifistes » n’ont jamais oublié d’arborer fièrement les couleurs de leurs partis comme pour rappeler qu’ils ne sont pas en fusion avec le Rewmi. C’est tout le contraire de Tanor et ses amis qui se sont rangés derrière Macky Sall et avec qui les couleurs du parti ne sont jamais arborées pendant les manifestations. Ils ont préféré agir globalement, travailler en équipe et poser des actes en tant que partie intégrante de « Bennoo Bokk Yaakaar » et non en tant que l’entité PS.

La non-participation à l’élection présidentielle a donc créé un vide jamais constaté dans l’histoire du PS. Rester 10 ans (2012-2024 si le compagnonnage se poursuit) sans massifier le parti ou sans aller à la conquête des sénégalais non-militants ne peut constituer un frein au développement physique de la formation. Le PS sous Tanor Dieng, il faut le constater, n’est plus le parti représentatif qu’il était juste après la perte du pouvoir en 2000. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et le parti ne mesure pas plus que 13%, son dernier score à une présidentielle obtenu d’ailleurs dans le cadre d’une coalition. Après le baobab Tanor, il faut une personnalité de la trempe d’un Khalifa pour limiter les dégâts causés par le mauvais management du parti. Mais lui rouvrir la porte de la « maison » socialiste après l’avoir banni et honni sans qu’il soit demandeur témoigne tout simplement de l’aventure ambiguë où nage cette formation, laquelle sait qu’il n’y a aucune alternative pour survivre : s’adapter ou disparaitre. S’adapter en s’accrochant malgré eux en la personne de Khalifa, ce qui serait égal à ravaler leurs vomis, ou disparaitre face à la montée des hommes politiques tels qu’Ousmane Sonko et Idrissa Seck.

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