Guinée

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Étaient-elles, comme le revendiquent les organisateurs, un million de personnes à défiler, jeudi 24 octobre, dans les rues de Conakry contre « la présidence à vie », du président Alpha Condé ? Impossible à confirmer en l’absence de sources indépendantes et d’un comptage précis mais c’est une marée humaine qui a déferlé, sifflant, criant, riant, vers l’esplanade du stade du 28-Septembre dans la capitale Guinéenne.

C’est une double victoire pour le Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Tout à la fois une démonstration de force populaire et de pacifisme, dix jours après qu’une autre manifestation sur le même sujet, mais non autorisée, se soldât par la mort d’au moins neuf personnes.

Le lieu de rassemblement est pourtant de sinistre mémoire pour l’opposition guinéenne. Le 28 septembre 2008, dans le stade éponyme, 157 personnes furent assassinées, nombre de femmes violées par les nervis à bérets rouges du chef de la junte de l’époque, Moussa Daddis Camara [décembre 2007- décembre 2008]. A l’époque il était déjà question de s’opposer à une manipulation légale qui aurait permis au petit capitaine d’intendance en pétrole de se présenter à l’élection présidentielle. La tuerie fut sauvage, cruelle, dans un pays où tout opposant vit pourtant avec le souvenir d’une longue liste de répressions passées.

Jeudi, Bashir Diallo a d’ailleurs décidé de ne pas aller jusqu’au stade. Non par peur d’une répétition du drame mais parce qu’il n’a pas la force d’affronter « ses images qui [le] hantent » ce survivant du 28 septembre 2008. En ce jour de défilé, ce militant actif de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) dans le quartier de Gbessia proche de l’aéroport, s’est mobilisé pour assurer la sécurité du cortège.

Le 14 octobre, le FNDC avait défié l’interdiction de manifester. Cinq dirigeants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui a pris l’initiative du mouvement, ont été condamnés mardi à des peines allant de six mois à un an de prison ferme. Cette fois-ci, organisateurs et autorités ont passé un accord. L’itinéraire a été négocié, évitant les centres du pouvoir et l’autoroute. Autre point d’entente réciproque, les forces de police et de gendarmerie de sinistre réputation étaient d’une discrétion marquante tout le long du parcours de 13 kilomètres partant du rond-point Tannerie jusqu’au stade.

« On leur a demandé d’éviter tout contact avec les manifestants et nous nous sommes coordonnés avec eux », explique un responsable de la sécurité du FNDC. « C’est mieux parce que dés qu’on les voit, ça palabre et ça pagaille », lâche un manifestant. Dit autrement par un géant et présentement officier supérieur de la gendarmerie cela donne : « Quand il y a une bonne communication et que l’on respecte la loi tout se passe bien ».

Une bonne communication, certes, mais aussi, sans doute, des messages appuyés venus de l’extérieur. La communauté internationale, dont la Cédéao, organisation africaine sous-régionale dont la Guinée est membre, avait tiré le signal d’alarme après les débordements du 14 octobre. Probablement des pressions ont-elles été exercées sur les différentes parties pour appeler à la retenue. Contrat rempli sur la forme, donc.

L’interview du président guinéen : Alpha Condé : « Je ferai ce que veut le peuple de Guinée »

Mais sur le fond ? Les partis politiques – dont les deux principaux opposants du pays et les organisations de la société civile réunis au sein du FNDC ont montré que cette coalition était capable de faire descendre dans la rue une partie non négligeable de la capitale. Et semble-t-il également dans les régions. Trois jours auparavant le leader du Front avait pourtant écopé d’un an de prison et les morts du 14 octobre sont encore dans toutes les têtes.

Le président Alpha Condé entendra-t-il le message des centaines de milliers de personnes réunies ce jour à Conakry pour lui demander de ne pas briguer un troisième mandat fin 2020 après – condition légale sine qua non – avoir fait adopter une nouvelle constitution ? Un mot, un seul, dominait jeudi le brouhaha de la foule et les vrombissements de centaines de mototaxis ouvrant le cortège : « Amoulanfé ! ». Terme de la langue soussou, l’une des importantes communautés ethniques de la Guinée signifiant « ça ne marchera pas ! » Pas besoin d’en préciser l’objet, ni de le traduire aux Peuls, Forestiers et Malinkés. Tout le monde sait que cela concerne la tentative prêtée au président de se représenter. « Amoulanfé ! »

Fort de son succès du jour, le chef de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, a d’ailleurs prévenu le pouvoir : « Nous allons continuer à organiser ces manifestations de protestation pour exiger la libération de nos collègues incarcérés et le renoncement par Monsieur Alpha Condé à ce troisième mandat ». Rien de tout cela n’est gagné d’avance.

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