Me El Hadji Ayé Boun Malick DIOP-SG SYTJUST

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« Vouloir  remplacer les greffiers par des matons relève de l’utopie»

Vous êtes le   Secrétaire général du  Sytjust qui est  en mouvement depuis plusieurs semaines. Qu’est qui motive cette grève ?

Depuis un bon moment, les plateformes revendicatives de tous les syndicats au Sénégal ont la similitude de contenir un unique point,  celui exigeant un respect des accords signés. Ce qui pose le lancinant problème de la légèreté déconcertante avec laquelle les autorités publiques de par leurs signatures, engagent la responsabilité du gouvernement. Pour le cas du Sytjust, le Ministère de la justice a été trop loin dans cette entreprise de reniement en voulant avec toupet, remettre en question des droits acquis résultant de l’application de tous les points objet d’accord.

Quels sont ces droits

Il y’a d’abord    les plans de carrière des travailleurs :

Des décrets pris, ont modifié le cadre des travailleurs de la justice et le fonctionnement du centre de formation judiciaire. Désormais le greffe dispose en plus de la hiérarchie A1, celle des administrateurs de greffe, une hiérarchie A2 devant accueillir les greffiers. Ainsi une promotion d’administrateur de greffe est déjà opérationnelle dans les différentes juridictions du pays et une cohorte d’élèves greffiers recrutée sur la base de la licence est en attente de formation au centre de formation judiciaire.

Il  y’a ensuite les coûts des actes de délivrance.

Les décrets sont également pris à cet effet, même si l’autorité s’est gardée de manière illégale à les publier. Ils sont appliqués dans toutes les juridictions du Sénégal sur ordre du Ministère de la justice à l’exception du  Palais Lat Dior de Dakar. Il faut préciser que le lobby qui a paradé pour des raisons inavouées pour bloquer la publication au journal officiel s’appuie sur ce manquement pour empêcher son application à Dakar.  Les primes destinées à motiver les travailleurs de la justice font aussi partie de nos préoccupations . Le protocole d’accord a institué des primes mensuelles au personnel du secteur de la justice. Sensible aux dures conditions sociales et de travail, le gouvernement sur ordre du ministère des finances a procédé à leur paiement aux agents concernés pour deux mois consécutifs.

Les points du protocole ont-ils connu un début d’application ?

Au vu de ce qui précède, l’on constate aisément que tous les trois points du protocole d’accord signé entre le Sytjust et le gouvernement du Sénégal ont connu des débuts d’exécution créant de fait des droits acquis. A peine l’espoir de voir  leur dignité de travailleurs du secteur de la justice restaurée et le climat social apaisé, les accords connaissent un coût d’arrêt dans leur mise ne œuvre.

La surprise et l’exacerbation du Sytjust ont été aussi grandes que le Ministère de la Justice a émis sans rechigner qu’il compter remettre en cause ces différents points contenus dans le protocole sous le fallacieux prétexte que les textes réglementaires en l’occurrence les différents décrets pris violent certaines conventions internationales et contiennent également de contrariétés sans précisions aucunes.

Le problème se situe donc au niveau de la  Chancellerie. Qu’est ce qui explique cette position du Ministère ?

Le Ministère de la justice en brandissant maladroitement ces arguments assez légers, se discrédite lui-même pour peu qu’on connait le circuit des textes administratifs au Sénégal qui du reste est hors de portée et d’influence du Sytjust. La rédaction, la correction, la circulation, l’enregistrement, la signature et la publication sont exclusivement du ressort des services du gouvernement.

Si tant est que les décrets contiennent les impertinences soulevées, elles sont tout aussi graves que dangereuses et procéderaient d’une volonté non équivoque de nuire savamment élaborée. Cela est d’autant plus plausible que la facilité et la précipitation avec laquelle l’on cherche  à spolier les travailleurs de leurs acquis sont totalement inquiétantes.

Au demeurant, il faut opposer le principe de droit selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » aux auteurs de cette forfaiture qui ne l’ignorent guère. Cette attitude, au delà du problème éthique que cela pose, sape l’autorité de l’Etat, jette le discrédit sur les institutions et menace la paix sociale.

Le Sytjust est dans une centrale syndicale. Quel appel lancez-vous à vos partenaires?

Toutes les organisations syndicales et les forces éprises de justices doivent ainsi s’unir pour arrêter ces dérives graves à l’instar du Sytjust qui a choisi la voie de la résistance. La nouvelle approche dite celle des relations humaines dans la gestion de la coexistence au sein des entreprises entre employeur et travailleurs, a généré des méthodes dynamiques de gestion des conflits de travail. Syndicalistes et employeurs loin d’être des protagonistes de mauvais aloi sont ainsi devenus des partenaires. Cette réalité semble être méconnue au Sénégal particulièrement dans le secteur public où le syndicalisme et les personnes sensées l’animer sont considérés comme des fossoyeurs à abattre.

La tutelle brandit des sanctions. Ça vous ébranle ?

On continue obstinément d’ user de vielles méthodes empruntées du Taylorisme, et dans le contexte africain, du colonialisme. Elles sont faites alternativement ou simultanément d’intimidation, de persécutions, de sanctions et de corruption. Ce n’est que lorsque ces dernières ont atteints leurs limites infranchissables que l’autorité se résolve enfin à accepter de négocier dans un contexte où l’outil de travail est déjà durement éprouvé.

C’est ce qui semble être le cas dans le différend entre le SYTJUST et le Ministère de la justice. La non appropriation de ces nouvelles stratégies de gestion des conflits dans le secteur était déjà une réalité mais elle est dangereusement ancrées avec l’actuelle équipe du département parce que tout simplement symptomatique d’un personnel du cabinet ministériel ayant mal assimilé et accepté son amortissement. On ne peut pas faire du neuf avec du vieux dit l’adage.

Les fonctionnaires qui ont eu à officier dans les années du plan d’ajustement structurel du régime du Président Abdou Diouf reconnaissent cette approche de ferrage et d’usure en cours. L’autorité feint d’ignorer la grève en adoptant un mutisme, ensuite tente de la minimiser en déconstruisant sa légalité et sa légitimité puis persécute ses dirigeants et enfin  tente de saupoudrer l’opinion en usant de subterfuges mensongers pour une pseudo continuité du service public. C’est dans ce dernier acte qu’il faut ranger cette session de « mise à niveau pour un mois » d’une quarantaine de gardes pénitentiaires au CFJ, initiée par la chancellerie à grand coup médiatique, pour « suppléer » les greffiers grévistes.

Vous trouvez donc trop ridicule cette session de mise à niveau pour un mois de gardes pénitentiaires qui vont suppléer les travailleurs en grève ?

Arrêtons-nous sur le nombre. Comment 40 gardes pénitentiaires peuvent-ils remplacer plus de 400 greffiers répartis dans presque plus d’une cinquantaine de juridictions sur toute l’étendue du territoire national ? On semble oublier que les travailleurs de la justice autres que les greffiers qui observent le mouvement de grève sont plus de 800 agents et occupent tous des postes clés au sein de l’administration du service public de la justice. Donc de ce point de vue simplement numérique l’entreprise est plus que chimérique. Encore que faudrait- il rappeler que l’administration pénitentiaire éprouvée déjà par une insuffisance criarde de personnel va souffrir davantage du départ de ce nombre de leur poste habituels pour les juridictions.

Par ailleurs si l’on tient compte des cœurs de métiers et des profils totalement différents, vouloir former un agent pénitentiaire en 30 jours en vue d’officier comme greffier judiciaire relève de la pire utopie. Les esprits avertis savent que les métiers judiciaires (magistrats et greffiers) au-delà de la formation initiale d’une durée de 02 ans s’acquièrent par la pratique. D’ailleurs c’est ce qui justifie que les 06 mois de la durée globale de formation sont réservés exclusivement à un stage sur le terrain dans les tribunaux.

Au demeurant compte tenu du formalisme rigoureux et de la complexité délicate des métiers du greffe l’on peut bien se poser la question de savoir de ce qu’ils sont réellement capables de faire dans les juridictions. Les acteurs sérieux de la justice, les professionnels du droit et les citoyens soucieux d’une bonne justice peuvent bien se rendre à l’évidence que cette manœuvre est dangereuse de conséquence. Elle est même inopérante car de par le passé elle avait été tentée sans succès avec des gendarmes et les conséquences sont connues de tous.

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