Sénégal : A l’heure de la consolidation et de réformes

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Le système financier, plus particulièrement le secteur bancaire affiche une bonne solidité financière qui s’est consolidée en 2022, avec un ratio de solvabilité moyen de 13% (supérieur à la norme de 10,875%) contre un niveau de 12,02% en 2021. Dans un contexte marqué par de nombreuses initiatives publiques et privées de soutien aux entreprises, les encours de crédits aux PME/PMI ont aussi augmenté en 2022 ; ils se situent à 399,94 milliards de FCFA sur la période susvisée contre 265,5 milliards de FCFA en 2019, soit un rythme de croissance moyenne supérieure à 5% sur la période.

Sur l’autre façade, avec un taux de pénétration de près de 22%, le secteur de la microfinance poursuit sa dynamique de résilience et d’expansion, à la lecture de ses principaux indicateurs d’activité et de performance (sociétariat, production de crédit, volume de dépôts, etc)…

Tout compte fait, outre la poursuite des politiques de proximité à travers la densification du réseau bancaire, les données agrégées corroborent bien la situation consolidante du secteur bancaire où il est notamment observé une tendance haussière des crédits à l’économie qui sont passés de 5 688,3 milliards en 2021 à 6 846, 9 milliards de F.CFA en 2022, soit une hausse de 20,4% ; ceci, malgré les hausses successives des taux directeurs de la BCEAO.

Dans la même foulée, le résultat net consolidé du secteur bancaire est ressorti à 153, 86 milliards en 2022, en nette hausse de 19,6% par rapport à 2021 (128, 67 milliards de FCFA), ce qui témoigne de la bonne tenue des agrégats de performance commerciale et financière.

Toutefois, l’examen de la répartition de l’offre de crédits du secteur financier dans sa globalité révèle un certain nombre de constats et d’enseignements à tirer notamment :

-La faiblesse persistante du financement affecté au secteur agricole au sens large du terme (près de 7% du portefeuille bancaire) pour une économie dite émergente qui ambitionne d’asseoir une souveraineté alimentaire par l’injection de financements massifs dans les secteurs primaire et secondaire.

Le faible recours au financement par crédit-bail (près d’1% du volume de crédits) en dépit de l’existence d’un cadre réglementaire et institutionnel.

Le financement bancaire des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) qui reste à ce jour très en deçà des objectifs fixés dans le document de la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière (SNIF).

Dans le secteur de microfinance, il est noté une dégradation continue de la qualité du portefeuille des SFD, qui a atteint en 2022 la barre des 9% pour une norme cible fixée à 3%. De même, il est à relever une baisse continue des parts de marché des grands réseaux, pour des raisons d’ordre stratégique, concurrentielle ou commerciale.

Le constat général, est qu’aujourd’hui, les acteurs de l’écosystème financier font tous focus sur la digitalisation, et se préparent s’ils n’y sont déjà, à l’arrivée des applications promues par l’Intelligence artificielle, soit comme un élément de leur stratégie d’inclusion financière, voire de redéploiement, si ce n’est de modernisation de leur relation client pour un gain optimal de compétitivité et d’économie d’échelle.

Ainsi, après plusieurs décennies de conditions d’exercice, notre secteur financier fait face à de nombreuses mutations d’importance systémique : arrivée de nouveaux acteurs ou players dans l’écosystème bancaire comme les Fintechs, l’émergence de nouveaux types de risques, sans oublier l’irruption rapide des technologies de l’intelligence artificielle dans le système de management ; tout cela justifie  les projets de réformes en gestation pour le secteur bancaire et de la microfinance qui devront certainement conduire à un renforcement de la transparence comptable et de la discipline de marché tant souhaitée par le régulateur à savoir la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ; ce qui suppose d’abord, un accès libre, plus facile et à temps aux données financières.

C’est d’ailleurs à ce titre que l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est interpellée au premier plan. En effet, dans le but de faciliter la disponibilité des données comptables et financières, l’OHADA devrait pouvoir revisiter ses textes concernant les délais de publication des états financiers des entreprises. Grâce à l’utilisation optimale des outils et technologies, les états financiers devraient pouvoir être disponibles dans un délai n’excédant pas les trois mois (3) prévus après la fin de l’exercice comptable. Cela devrait contribuer à favoriser une plus grande transparence dans les décisions d’investissement pour les décideurs et investisseurs, mais aussi à faciliter davantage la collecte de données pour les professionnels des médias qui doivent véhiculer la bonne information auprès du grand public ; le régulateur aussi y trouverait un grand intérêt puisque cela pourrait constituer un des leviers de promotion de l’éducation financière des usagers.

Enfin, récente décision du Comité de Politique Monétaire (CPM) portant relèvement du principal taux directeur (Td) qui passe de 3% à 3,25% depuis le 16 septembre 2023, en le portant à son plus haut niveau depuis 2014, pour juguler l’inflation, ne risque -t-il  pas de favoriser une rareté relative des ressources sur le marché et donc implicitement une situation de « credit crunch », c’est-à-dire une réduction drastique du volume des crédits destinés aux entreprises et aux ménages qui en ont grandement besoin ?

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